USA Jour 4 : Ledecky perd la cadence et le record mais gagne d’un boulevard

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Championnats des Etats-Unis 2018

Dimanche 29 Juillet 2018

Si Katie LEDECKY n’a pas battu le record mondial du 400 libre, qu’elle détient avec 3’56s46, ce ne fut pas faute d’essayer, dans cette journée de samedi des championnats US d’Irvine, en Californie. En fait, son début de course fut un petit peu plus rapide que celui du record, qu’elle avait établi en finale olympique à Rio de Janeiro. Au Brésil, elle était passée en 57s05 et 1’57s11. Dans le bassin du William Woolett Aquatic Center d’Irvine, samedi soir, ses partiels correspondants étaient de 56s90 et 1’56s94. C’est après le virage de la mi-course que LEDECKY perdit la cadence, alors que, loin derrière dans le champ de course, les filles s’étaient éparpillées, seule Leah SMITH ne se trouvant pas totalement surpassée (mais accusant quand même un déficit de plus de deux secondes), put maintenir dans sa fin de course vitesse de nage pas trop éloignée de la recordwoman du monde.

LEDECKY effectua une course assez déséquilibrée, avec deux moitiés en 1’56s94 et 2’2s15. Leah SMITH, qui finissait à cinq-six mètres, produisait elle un parcours plus harmonieux, 1’59s23 et 2’2s98. Mais même légèrement reprise dans la dernière longueur, LEDECKY continue de disposer d’un énorme avantage… en attendant de rencontrer aux PanPacifics l’Australienne TITMUS et les Chinoises de service…

Allison SCHMITT, qui fut médaillée d’argent olympique du 400 mètres en 2012, derrière Camille MUFFAT, et qui effectuait, après une éclipse de deux ans, un retour assez prometteur, authentifié par des places d’honneur sur 100 et 200, fut réduite, sur ce qui fut sa meilleure distance, à remporter la finale B en 4’8s48. Elle devançait l’espoir US du 400 mètres Claire TUGGLE, une jeunesse de 14 ans et 20 jours (née le 8 juillet 2004) qui ratisse depuis quelque temps déjà les titres et les records d’age-groups…

LEDECKY SEULE DANS SON NUAGE, BAKER BIEN ENTOURÉE, DANS UN CIEL ENCOMBRÉ

LEDECKY sur 400 mètres et Kathleen BAKER sur 100 mètres dos ont été autant dominatrices, mais se trouvent dans des situations très différentes par rapport à la concurrence.

LEDECKY a fait le vide autour d’elle, et cela ne date pas d’hier, puisque depuis six saisons, elle impose sa loi sur le demi-fond féminin américain (et mondial). BAKER, elle, malgré sa supériorité telle qu’affichée dans la finale de samedi, est dans une situation beaucoup moins affirmée, beaucoup plus fragile. Dans la course, Regan SMITH, 3e, bat le record du monde junior et la talonnerait presque. Et Olivia SMOLIGA, 2e, quoique battue nettement, reste, forte de ses mensurations, une bien dangereuse rivale.

[La qualité du 100 mètres dos féminin US est proprement hallucinante. La championne de France Mathilde CINI, avec son temps, aurait terminé 11e ou 12e à Irvine et sa seconde, Louise LEFEBVRE, se serait classée 33e des séries].

BAKER, comme elle l’a fait régulièrement depuis 2016, a une fois de plus révélé une capacité à se transcender dans les grandes occasions qui fait sa force. 2e derrière SMOLIGA (59s02 contre 59s16) des trials olympiques US en 2016, elle nagea, aux Jeux, à trois reprises sous les 59s qu’elle n’avait jamais battues jusqu’alors, et enleva l’argent dans une course extrêmement disputée enlevée par la Hongroise Katinka HOSSZU. Même capacité illustrée aux mondiaux de Budapest, où elle ne le cède, battant son record, que devant le record du monde que bat en finale une Kylie MASSE inébranlable.

Plus remarquable encore, peut-être, BAKER, qui est loin d’être un phénomène athlétique, seulement une solide et rayonnante jeune femme de 1,73m, n’est pas, malgré les apparences, un parangon de santé physique. Tout au contraire. Elle souffre d’une maladie de Crohn, une inflammation chronique du système digestif, affectant principalement l’intestin, diagnostiquée en 2010. Ce mal inguérissable, aux origines multiples et mal cernées, alliant le génétique et le civilisationnel, est fort handicapante. Douleurs, amaigrissement, fatigue. Mais il semble que rien ne pouvait affecter négativement l’enthousiasme pour la natation, pour le rêve olympique, de miss BAKER!

Lilly KING, la championne olympique et du monde, l’a emporté sur 100 mètres brasse. Logique certes mais… Cela ne paraissait pas évident au vu des séries, qui avaient assisté à un exploit de Molly HANNIS. En 1’5s78, elle améliorait son record, 1’6s16 en 2016, et se présentait presque en favorite ou du moins en rivale de Lilly et de Katie MEILI (qui firent une et trois sur la distance aux Jeux olympiques de Rio, une et deux aux mondiaux de Budapest). Mais même à vingt-huit ans (elle est née le 20 juillet 1990) et malgré toute son expérience, HANNIS n’a pas réussi à retrouver le soir sa cadence du matin. KING l’emportait et MEILI assurait de peu l’argent devant Micah SUMRALL, ex-LAWRENCE, qui a conclu un come-back, deux ans après avoir raccroché ses maillots aux sélections olympiques 2016, par une victoire, à Irvine, sur 200 brasse, et une sélection pour les PanPacifics… SUMRALL avait atteint le podium (bronze) sur 200 brasse aux mondiaux de Barcelone). Elle s’était promis de ne plus jamais renager, mais la revoilà !

Lilly KING, elle, expliqua qu’elle devait ce soir se qualifier pour les PanPacifics, parce que, expliquait-elle, elle n’avait pas prévu de billet de retour pour rentrer à la maison. Belle motivation !

Côté messieurs, Ryan MURPHY a sauvé de justesse son titre sur 100 dos. A trente-trois ans, l’ancien champion olympique (2012) et du monde (2013) du 100 mètres dos, Matt « Dutch » GREVERS a secoué les 2,03M et les 104 kg de sa carcasse pour l’accompagner tout le long du parcours, et n’a finalement cédé que par quatre centièmes.

Le 400 mètres libre et le 100 mètres brasse donnèrent lieu à des courses assez serrées, mais que n’illuminèrent pas de très grandes performances (tout est relatif). A noter cependant la victoire de Michael ANDREW, le plus jeune professionnel de la natation mondiale, au 100 brasse, devant une brochette de spécialistes…

MESSIEURS.- 400 libre : 1. Zane GROTHE, 3’46s53; 2. Grant SHOULTS, 3’46s90; 3. Chris WIESER, 3’48s92 (en série, 3’48s89); 4. Zach YEADON, 3’49s09: 5. Troy FREEMAN, 3’49s90 (en série, 3’49s02); 6. Andrew ABRUZZO, 3’50s04 ( en série, 3’48s58). Finale B: Mitch DARRIGO, 3’49s88.

100 dos : 1. Ryan MURPHY, 52s51; 2. Matthew GREVERS, 52s55; 3. Justin RESS, 53s26; 4. Bryce MEFFORD, 53s84; 5. Jacob PEBLEY, 54s05; 6. Austin KATZ, 54s06. Finale B, Stewart COLEMAN, 54s03. En séries, Dean FARRIS, 54s21

100 brasse : 1. Michael ANDREW, 59s36; 2. Andrew WILSON, 59s43; 3. Devon NOVICKI, 59s48: 4. Kevin CORDES, 59s72; 5. Cody MILLER, 59s77. En séries, Nick FINK, 59s86.

DAMES.- 400 libre : 1. Katie LEDECKY, 3’59s09 (56s90 ; 1’56s94, 2’58s16); 2. Leah SMITH, 4’2s21; 3. Haley ANDERSON, 4’7s21.

100 dos : 1. Kathleen BAKER, 58s00 (record du monde, ancien, Kylie Jacqueline MASSE, Canada, 58s10; record des USA, ancien, Melissa FRANKLIN, 58s33) ; 2. Olivia SMOLIGA, 58s75 ; 3. Regan SMITH, 58s83 (record du monde juniors, anciens par elle-même, 59s11 et 59s09) ; 4. Phoebe BACON, 59s30 (en séries, 59s12) ; 5. Katharine BERKOFF, 59s77 ; 6. Elise HAAN, 1’0s08 (en séries, 59s73; 7. Ali DELOOF, 1’0s13 (en séries, 1’0s05; 8. Lisa BRATTON, 1’0s55 (en séries, 59s76). Finale B: 1. Isabelle STADDEN, 1’0s07; 2. Amy BILQUIST, 1’0s40 (en séries, 1’0s26); 3. Claire ADAMS, 1’0s58 (en séries, 1’0s43); 4. Lucie NORDMANN, 1’0s62; 5. Asia SEIDT, 1’0s73.

100 brasse : 1. Lilly KING, 1’5s36 ; 2. Katie MEILI, 1’6s19 ; 3. Micah SUMRALL, 1’6s34 ; 4. Molly HANNIS, 1’6s36 (en séries, 1’5s78).

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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