La FINA amorce la marche arrière, mais ISL ne lâche pas le morceau

Eric Lahmy
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January 21st, 2019 Français

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Vendredi 18 Janvier 2019

La FINA est-elle en train de louvoyer dans l’affaire qui l’oppose à la jeune Ligue de Natation (ISL) qui a réussi à s’associer et à faire lever la révolte d’un nombre important des meilleurs nageurs du monde alliés à ce nouvel organisateur indépendant ? C’est ce qui parait en tout cas.

L’organisation mondiale, touchée par la grâce, ayant fait savoir que les nageurs seraient libres de se produire dans des événements indépendants (Alléluia), les responsables d’ISL ont noté qu’une telle déclaration de la part des dirigeants FINA constituait un aveu de culpabilité, nous explique Liam Morgan, sur le site Inside the Games.

D’un côté, Andrea di Nino, le directeur et manager d’ISL, note qu’il s’agit d’un mouvement dans la bonne direction, de la part de la FINA, [personnellement, je qualifierai ça de marche arrière toutes]. D’un autre côté, Konstantin Grigorishin, tête financière (et en fait patron du groupe) exige de la FINA un accord contraignant qui montrerait la bonne volonté de l’institution internationale.

Dans sa déclaration, ISL ne s’est pas privée de continuer ses attaques contre la Fédération Internationale.

On ne peut qu’être d’accord avec les responsables d’ISL quand ils affirment que la déclaration de la FINA selon laquelle les nageurs ne seraient pas sanctionnés s’ils nageaient dans les épreuves ISL était en réaction directe avec les deux procès civils en cours devant un tribunal américain, intentés l’un par ISL et l’autre par trois nageurs (la Hongroise Katinka Hosszu et les Américains Michael Andrew et Tom Shields).

Ces procès tentent de mettre en lumière le caractère illégal du comportement de la FINA quand elle menaçait de sanctions « ses » nageurs, dans le but d’assurer une situation de monopole sur le sport. Et il y a peu de chance que la FINA s’en sorte indemne !

Rien de tel que de bons coups de bâton pour vous aider à trouver l’illumination : la FINA a commencé de faire savoir de façon insistante que ses nageurs étaient « libres de participer à des compétitions et épreuves créées par des organisateurs indépendants », et donc en totale contradiction avec les claires menaces, proférées oralement et par écrit, au sujet de l’organisation ISL de Turin, qu’elle avait refusé de sanctionner. C’est ce comportement délétère et capricieux de la FINA, tout le long de l’année 2018, qui avait conduit Paolo Barelli, président de la Fédération italienne et de la Ligue européenne, à décider de son annulation pure et simple.

Signe de leur manque de scrupules (et d’imagination, disons-le aussi), les dirigeants de la FINA avaient immédiatement enchaîné, et sorti de leur chapeau puis lancé dans la hâte leurs propres « Champions Series », séries fort peu originales en ce qu’elles ressemblaient furieusement au projet ISL qu’ils avaient blackboulé à la fois dans leur formule et dans les bourses attribuées, 4 millions de dollars (et dont on ne sait pas trop ce qu’elles deviennent aujourd’hui). Conclusion, comme disait Lino Ventura dans les Tontons Flingueurs: « les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnait. »

En face de ce comportement à la fois stupide et diabolique, les responsables d’ISL ont raison d’exiger des garanties, et de maintenir la pression. « Nous accueillons l’admission tardive de ses fautes par la FINA ainsi que ses assurances qu’elle cessera désormais de se conduire d’une façon illégale, qui pénalise lourdement les nageurs qu’elle, FINA, prétend représenter » a déclaré Grigorishin.

« Cette admission implicite de faute par la FINA n’arrive qu’après que l’institution ait forcé de façon illégale à l’annulation d’une compétition organisée à Turin et que la FINA ait copié de façon flagrante le modèle ISL dans une tentative manifeste de l’emporter auprès d’une communauté de nageurs que la FINA n’avait cessé d’exploiter. »

« Nous attendons de la FINA qu’elle consacre cette toute nouvelle déférence vis-à-vis des lois des Etats-Unis et de l’Union Européenne – ainsi que des droits des nageurs et d’ISL – par le biais d’un accord exécutoire contraignant. Nous tendons la main en direction de la FINA en vue d’obtenir un accord contraignant. Si la FINA est sincère, alors elle devra coopérer. »

De son côté, la FINA a tenu une réunion avec ses fédérations nationales pour « clarifier » son attitude vis-à-vis d’événements tels que ceux organisés par ISL. Bien entendu, vu qu’il n’y avait rien à clarifier dans leurs précédents coups tordus, les Finassiers de Lausanne se sont drapés dans un langage juridique et réglementaire qui leur va bien.

Les organisateurs indépendants devraient « coopérer » ou rechercher l’approbation de la FINA s’ils veulent que leurs résultats soient reconnus, ont-ils ainsi recommandé. Dans le cas contraire, les résultats et les records obtenus dans ces compétitions ou événements seront considérés nuls et ignorés par la FINA et ne seront pas pris en compte ultérieurement pour quelque raison que ce soit. Bref, du baratin : s’il est vrai comme il a été dit que tel nageur ou telle nageuse pourra recevoir quinze fois plus d’une organisation ISL que de la FINA World Cup, l’enregistrement par l’organisme dirigeant de ses performances lui paraîtrait moins essentiel (1).

Manifestement, ce laïus n’a pas désarmé ISL qui continue de juger sévèrement les méfaits de l’institution internationale (l’annulation de Turin lui a coûté au bas mot la bagatelle de deux millions d’Euros) : « outre la promesse selon laquelle elle se comportera de façon correcte et légale, la FINA doit accepter de se lier de façon claire et dans des termes exécutoires qui assureront une organisation honnête, en manière d’expiation des méfaits dont la FINA s’est rendue coupable. » Comme on connait ses saints, on les honore.

(1). Mais ces sommes alléchantes, bien sûr, ne sont toujours pas dans les poches des nageurs.

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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