Charlotte Bonnet championne d’Europe

Eric Lahmy
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December 16th, 2017 Français

Championnats d’Europe 25m 2017

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

CHARLOTTE BONNET CHAMPIONNE D’EUROPE

Je ne sais trop si Lison Di Martino, nageuse synchronisée de l’Aqua Club Pontault/Roissy, qui se présentait aujourd’hui au concours miss France, à Châteauroux, a fait un tabac, mais une autre nageuse, dont les mouvements aquatiques sont également synchronisés, quoique d’une autre façon, Charlotte Bonnet, notre concurrent du miss Europe qui se tient à Copenhague, n’a pas laissé passer sa chance sur 200 mètres…

Je me disais, après son cent mètres en 51s65, la veille, que si l’on répliquait ses progrès de vitesse sur 200 mètres, Charlotte Bonnet pourrait nager en-dessous de 1’53s. C’est ce qu’elle fit, de façon assez luxueuse, et gagna une course qui ne lui était pas plus promise que ça, mais où elle prit certains risques.

On savait que l’Italienne Federica Pellegrini, championne du monde à Budapest et multi-médaillée de l’épreuve dont elle détient le record mondial en grand bassin, ainsi que Sarah Sjöström, recordwoman du monde petit bassin depuis l’an passé, n’étaient pas là, et que ces deux absences déblayaient singulièrement le terrain. Katinka Hosszu, à laquelle Charlotte s’était opposée dans le passé avec des fortunes diverses, mais pratiquement à armes égales, sur cette même épreuve, avait également évité de se montrer, étant comme à son habitude fort occupée ailleurs.

Il y avait donc une opportunité à saisir pour la Niçoise. Mais il restait Michelle Coleman, la seconde Suédoise, face à laquelle Bonnet n’avait pas toujours eu le dernier mot.

Sportivement, les deux filles sont de valeurs très proches. Aux Jeux olympiques de Rio, en finale, Coleman, 7e, avait précédé Bonnet, 8e, 1’56s27 contre 1’56s29. Aux mondiaux de Budapest, Bonnet avait retrouvé « sa » 8e place, mais Coleman avait calé, elle, en demi… La Suédoise s’est beaucoup entraînée en Australie.

Je faisais moins cas de Femke Heemskerk, 30 ans, championne olympique du relais quatre fois 100 mètres en 2008, et affublée d’un sacré record personnel, 1’51s67, formidable nageuse certes, quand l’enjeu n’est pas élevé, mais fragile dans la bataille (c’en est même râlant tant la fille a accumulé de sympathies et d’amitiés sur son passage, partout où elle a nagé, notamment en France). Or c’est Heemskerk, justement, qui se montra la plus dangereuse, et lança la course sur des bases élevées, passant en 26s32. Mais la Niçoise ne s’en laissait pas conter, qui virait dans un quasi ex-aequo, 26s36, et cherchait à prendre le train à son compte. Il fallait un certain courage pour nager son deuxième 50 en 28s33 pour un passage en 54s68, mais c’était peut-être ce qu’il fallait pour faire douter Heemskerk (28s73 et 55s02), et asséner la preuve de sa supériorité à une Coleman (28s84 pour 55s51) qui menait la chasse derrière les deux évadées mais devait trouver sa situation inconfortable.

Tout retour était impossible aux poursuivantes, car Bonnet maintenait un rythme élevé et continuait de prendre ses distances, accentuant à l’énergie sa dérive vers l’avant. Heemskerk, qui aux cent cinquante mètres n’était peut-être pas tout à fait hors du coup, n’avait plus rien en termes d’énergie pour emballer son allure et recoller. Elle ne craqua pas vraiment mais dut concéder un mètre supplémentaire à l’avance que lui avait pris la Française, et donc admettre sa victoire. Bonnet l’emportait donc devant la Hollandaise, 1’52s19 contre 1’53s41, et la Russe Veronika Andrusenko, auteur d’un fort retour, 1’53s75.

Au plan chrono, cela représente la seconde performance française en petit bassin – le record est détenu par Camille Muffat avec 1’51s65 en 2013. Mais il ne s’agissait pas de battre des records hier, mais de battre des adversaires…

Aujourd’hui, Bonnet se présente au départ du 50 mètres, avec 24s78, 21e temps d’engagement. Il va falloir renouveler les exploits !

DE LA DIFFICULTE DE S’IMPOSER : L’EXEMPLE MAXIME GROUSSET

…Voici un garçon qui monte, qui s’est bien positionné parmi les jeunes. A dix-huit ans et demi, c’est un espoir, sans être un phénomène hyperdoué à la Kliment Kolesnikov, et en tout cas c’est ce qu’on trouve de mieux sur le marché français des jeunes. Il a la chance d’être tombé sur un super-entraîneur à Amiens, Michel Chrétien, qui, après avoir animé une fière équipe autour de Jeremy Stravius, s’est inventé une nouvelle jeunesse, avec une joyeuse troupe dont les mousquetaires s’appellent Thibaut Mary, Roman Fuchs, Thomas Avetand, Hugo Sagnes, Alexandre Derache, Fares Zitouni, et, « last but not least »,  Maxime Grousset.

Maxime, 1,92m ou 1,93m pour plus ou moins 78 kilos selon l’heure de la journée, nage à Copenhague dans la 4e série du 100 mètres. Il gagne après une bagarre contre l’Israélien David Gamburg, en 47s89. C’est alors le deuxième temps des séries, derrière l’éclat de l’Ukrainien Sergii Shevtsov, son aîné d’un an, qui, égaré dans la première série, est allé une seconde plus vite : 46s94. On se dit que ça peut être bon, jusqu’à la sixième série, où ils sont deux qui lui passent devant, le Grec Christian Gkolomeev, 47s30, l’Irlandais Jordan Sloan, 47s84. Mais les gros bras de la distance se pressent en foules dans les trois dernières séries et les « mauvaises nouvelles » s’accumulent. Six autres le précèdent au tableau dans la septième, Konrad Czerniak, Pologne, 47s27, Nyls Kortsange, Pays-Bas, 47s33, Alessandro Miressi, Italie, 47s35, Mikhail Vekovishchev, Russie, 47s41, Christoffer Carlsen, Suède, 47s63, et Danas Rapsys, Lituanie, 47s73. Voilà notre jeune Amiénois 10e.

Dans la huitième, on en trouve six nouveaux (houlà) qui se pressent devant lui : les deux Italiens Luca Dotto, 46s81 et Lorenzo Zazzeri, 47s00, l’Ecossais Duncan Scott, 47s03, le Lituanien Simonas Bilis, 47s09, le Turc Huseyin Emre Sakci, 47s46, le Russe Ivan Kuzmenko, 47s54. Autant de places de perdues pour Maxime, 16e.

Et en voilà encore sept dans la dernière, Marco Orsi, Italie, 47s13, Pieter Timmers, Belgique, 47s40, Damian Wierling, Allemagne, 47s50, Dominik Kosma, Hongrie, 47s51, Kyle Stolk, Pays-Bas, 47s56, Nandor Nemeth, Hongrie, 47s72, Kregor Zirk, Estonie, 47s78.

Notre héros se retrouve un peu égaré à la 23e place. Certes, après cela, comme on ne garde que deux nageurs par nations dans les demis, disparaissent ainsi Sloan, Miressi, Orsi, Stolk. Le dernier qualifié en demi, c’est Nemeth, 47s72, notre garçon, lui, rate le cut de 17/100e.

MATHILDE CINI PREMIER RECORD

Qu’en penser ? Que dans certaines courses, le championnat d’Europe s’avère difficile de par le nombre considérable de nations présentes et de programmes d’excellence en places. Dans un championnat d’Amérique du Nord, énorme subcontinent deux fois et demi plus grand que l’Europe occupé par trois nations, si Grousset nageait en invité, il serait au plus mal 7e en admettant que deux états-uniens, deux canadiens et deux mexicains lui passent devant. L’éclatement de l’empire russe, de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie, le découpage qui en est résulté entre 44 nations européennes, 5 nations partiellement européennes (dont la Russie et la Turquie) plus un pays (Israël) sportivement rattaché à l’Europe, dotés souvent de programmes sportifs efficients rend la vie beaucoup plus difficile.

Au bout du compte, cet embouteillage a amené Grousset à se confronter à une dure réalité : à une seconde et huit centièmes du meilleur qualifié, il n’est pas dans les seize ! Mais il est jeune et il ne lui reste plus qu’à prendre de la bouteille !!

A 20 ans, Ruta Meilutyte, elle aussi est jeune, mais pourrait passer pour une has been. Championne olympique du 100 mètres brasse à 15 ans, recordwoman du monde à seize, la Lituanienne continue de nager vaillamment, se situe à un bon niveau, mais inférieur à ce qu’il fut de par le passé. Les choses ont paru mal tourner après qu’elle se fut cassé un coude lors d’une chute à vélo, un an avant les Jeux de Rio. Le titre qu’elle vient d’enlever à Copenhague signale-t-il un retour de flamme ? Pas sûr. Mais sa victoire s’adorne d’un temps de valeur internationale correcte, 1’3s79, mais inférieure au record du monde, qu’elle co-détient en 1’2s38 avec Alia Atkinson. Meilutyte a gardé ses habitudes, de départ ultra-rapide, et passage en 29s57, devant les sept autres finalistes étagées entre 30s24 en 31s02… Retour moins exceptionnel, en 34s22, et les deux filles qui l’accompagneront finalement sur le podium lui reprenant un peu d’avance, Jenna Laukkanen, Finlande (1’4s26) en 34s01 et Jessica Val Montero, Espagne, (1’4s80) fameuse d’ailleurs pour ses fins de course, en 33s97…

Katinka Hosszu domine très largement le 200 quatre nages, exécuté en 2’4s43, temps d’une valeur inférieure à ses nombreux records (mondial et européen, 2’1s86) comme des championnats (2’2s53) mais suffisant pour l’emporter avec deux grosses longueurs sur Evelyn Verraszto, 2’8s09 et Ilaria Cusinato, 2’8s19 tandis Fantine Lesaffre finit 5e 2’8s83.

Les filles assurent décidément la présence française. Mathilde Cini, 5e en 26s47 du 50 dos que gagne, une demi-seconde devant, Katinka Hosszu, bat le record de France (Mélanie Hénique, 26s58). Sur 100 mètres dos, ses 57s73 en demi battaient sa performance d’une seconde…

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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