Du 200 dos d’Evgeny Rylov aux champions des champions du monde de Hangzhou

Eric Lahmy
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December 18th, 2018 Français

Championnats du monde de natation en petit bassin de la FINA

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Mardi 18 Décembre 2018

Les différents jurys qui s’empressent, à la fin des championnats du monde, de désigner les meilleurs nageurs de la petite semaine de compétitions d’Hangzhou, tendraient à provoquer chez moi moins de conviction qu’un petit rictus sarcastique, dont je ne sais s’il procède de Voltaire ou de la hyène tachetée.

Hors mondiaux, les mondiaux continuent donc !

Mais c’est un rictus contraint. Car après six journées à voir distribuer trente-quatre titres individuels et douze de relais (mais je peux me tromper, vous recompterez pour moi), et le constat que la FINA n’a pas pu y insérer le 1500 mètres dames et le 800 mètres messieurs (signe d’une préférence claire et nette pour le sprint), on ne sait plus trop ce qu’on a vu, peut-être pas toujours ce qu’on aimerait en retenir. Chercher à désigner un « meilleur » parmi ces vainqueurs est peut-être la façon adéquate de saluer une dernière fois Hangzhou…

Je ne vous cache pas que je ne me souviens pas des noms de tous les vainqueurs, il s’en faut de beaucoup et que les chiffres se mêlent parfois : de chic, j’avais évalué à 1’53s le temps de RYLOV sur 200 dos (c’est 1’47s !). C’est vous dire si je ressens parfois une certaine confusion !

OLIVIA SMOLIGA PLUS KELSI DAHLIA FONT HUIT PLUS SEPT EGALE QUINZE

Les amateurs de statistique se sont déjà emparés du terrain, alignant fébrilement les chiffres, décrétant qu’Olivia SMOLIGA a remporté huit médailles d’or à ces championnats et qu’elle devance sous cet angle Kelsi DAHLIA, sept médailles.

C’est une façon comme une autre de tenter de circonscrire un événement, et si j’ose m’exprimer ainsi de lui faire exprimer son jus.

Je crois que trop de chiffres tuent les chiffres. Ce déluge arithmétique me rappelle le propos du Premier ministre britannique Disraeli pour qui le mensonge s’aggravait en allant du simple mensonge au sacré mensonge et du sacré mensonge à la statistique. Churchill, un demi-siècle plus tard, précisait quant à lui que « les seules statistiques auxquelles vous pouvez vous fier sont celles que vous avez falsifié vous-même. »

Le problème, avec le programme de la Fédération Internationale de Natation – laquelle association représente de nos jours à peu près l’idéal de crédibilité d’un congrès global de voleurs de poules -, c’est que la falsification se trouve au cœur du programme.

Prétendre par exemple qu’un relayeur ayant nagé les séries d’une course gagnée par d’autres nageurs en finale est champion olympique, du monde ou des environs, est l’une de ces dérives ; mais il est tant d’autres d’arrangements « finassiers » de ce genre qu’on reste interdit devant la tâche de les dénoncer.

ET SI LE MEILLEUR NAGEUR D’HANGZHOU ETAIT RAPSYS ?

Ce type de règlement pue la démagogie, et réunit autour de lui en rangs tellement serrés ceux qui y trouvent avantage ou espèrent un jour profiter de ces privilèges, que se placer à contre-courant d’un tel flux de vaniteuses complaisances parait être une tentative vouée à l’échec…

J’ai eu un peu chaud quand j’ai lu sur un blog que Cameron van der Burgh était désigné (ou devait l’être ?) meilleur nageur de Hangzhou. Je n’ai rien contre le Sud-Africain, mais à part l’élément de surprise à l’issue de son 100 mètres brasse où je ne l’attendais pas trop (en fait je n’attendais personne, j’ai laissé la porte ouverte en me promettant de jouer la surprise dans tous les cas), je ne lui ai rien vu d’exceptionnel en-dehors du fait qu’être champion du monde n’a en soi rien de commun…

Vu que je suis orienté demi-fond, et que pour moi, n’est pas nageur qui ne peut pas traverser le détroit de Gibraltar, le meilleur nageur d’Hangzhou était le Lituanien Danas RAPSYS ; non pas sans conteste, vu que Mykhailo ROMANCHUK avait ramené la peau de Gregorio PALTRINIERI à l’issue d’un 1500 mètres haletant.

LE CLOS, BIEN SÛR ! QUI N’AIME PAS LE CLOS ?

Finalement, la FINA (ou son jury, je ne sais trop) a désigné Chad LE CLOS. Qui n’aime pas le Sud-Africain, personnalité éminemment sympathique ? Qui n’admire pas son diabolique talent, cette capacité méphistophélique de briller un peu partout et de porter le danger partout où il se présente ? Vainqueur de Caeleb DRESSEL sur 100 papillon, présent sur le podium du 100 nage libre.

Peut-être parce que pensais tellement que Kliment KOLESNIKOV pouvait tout casser, et qu’il n’en a rien été, je me suis intéressé finalement à son compatriote Evgeny RYLOV. Il a gagné le 50 (22s58) et le 200 (1’47s02) dos aux dépens de Ryan MURPHY, ce qui laisse à penser ce qui se serait passé sur la distance intermédiaire si les Russes n’avaient pas laissé les clefs de la course à KOLESNIKOV et Andrei SHABASOV.

DE LA GRANDE FORME D’EVGUENY RYLOV A CELLE DE DAYA SETO

Il est d’ailleurs possible que les Russes ne mesuraient pas alors la grande forme de RYLOV. Le premier jour des compétitions, s’ils l’avaient utilisé en séries du relais quatre fois 100 mètres pour qualifier l’équipe en finale, ils l’avaient, malgré son superbe 46s09 au start, retiré pour présenter en finale un Sergei FESIKOV, auteur de 46s21 lancé, d’une valeur inférieure de près d’une seconde ! Comme les USA enlevèrent la course avec seulement 0s08 d’avance, en 3’3s03 contre 3’3s11, je me dis que laisser RYLOV aux commandes de l’avion aurait été mieux inspiré.

…Mais je reconnais que c’est diantrement plus facile à expliquer APRES la bataille qu’avant…

RYLOV se signala aussi par un 20s37 lancé qui faisait de lui le 4e performeur du relais quatre fois 50 mètres nage libre, devancé seulement par les deux Américains, DRESSEL et Ryan HELD et par Vlad MOROZOV.

HOSSZU, TITMUS, WANG, KROMOWIDJOJO, ON DEPARTAGE COMMENT ?

Élever LE CLOS au titre de champion des champions du HANGZHOU, n’est-ce pas négliger ou pire déconsidérer Daya SETO, ce jeune père de famille de 24 ans qui l’a battu sur 200 papillon, ainsi que son record mondial, en 1’48s24 ? Et qui s’est imposé sur 400 mètres quatre nages avec six secondes d’avance sur son second ?

Côté femmes, désigner Katinka HOSSZU, voilà qui semble logique, n’est-il pas vrai ? Mais je retiens Ariarne TITMUS, la double gagnante, 200 et 400 libre (avec record du monde sur 400) et la Chinoise WANG Jianjiahe, qui enlève le 800 mètres et finit 2e du 400m. Ranomi KROMOWIDJOJO, avec sa razzia sur le sprint, n’est pas à dédaigner.

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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