Caeleb Dressel tombe Morozov sur 100 : rien ne sert de partir, il faut finir à point

Eric Lahmy
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December 17th, 2018 Français

Championnats du monde de natation en petit bassin de la FINA

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Lundi 17 décembre 2018

Parce qu’elle était inattendue, la victoire de Caeleb DRESSEL sur Vladimir MOROZOV dans le 100 mètres des championnats du monde (petit bassin) de Hangzhou vient à point nommé pour nous rappeler qu’une course disputée par deux nageurs de force à peu près équivalente reste aléatoire et que le favori ne monte pas toujours sur la plus haute marche du podium.

Le Russe, au sortir d’une saison hivernale époustouflante, à écumer les meetings de la Coupe du monde, avait notamment frôlé d’un centième de seconde le record mondial en petit bassin d’Amaury Leveaux (44s95 contre 44s94) sur 100 libre. Mais il avait aussi enlevé une foule d’autres courses et sprints divers, 100 mètres quatre nages et autres papillon. Il s’imposait comme le meilleur sprinteur en petit bassin de la saison.

MOROZOV est un séduisant jeune homme de 26 ans qui n’a rien d’un colosse du sport. Il mesure 1,80m, pèse 78kg, selon les nomenclatures officielles. Chez lui, pas de dimensions exceptionnelles, c’est la qualité musculaire qui prédomine et parait devoir expliquer ses performances.

Comme pas mal de nageurs russes, il n’a pas été épargné par une controverse concernant le dopage. MOROZOV et sept de ses équipiers, dont Nikita LOBINTSEV et Daria K USTINOVA, furent impliqués dans une affaire de disparition de tests positifs à la veille des Jeux.

MOROZOV sut plaider sa cause, semble-t-il. Il argua ainsi qu’il n’avait jamais été déclaré positif, et que, disparus ou pas, plusieurs des tests auxquels il s’était soumis n’avaient pas été gérés par les Russes, mais effectués par les Britanniques, les Américains et par la FINA elle-même.

MOROZOV a été un aussi fort dossiste que crawleur, à ses débuts, avant de donner la préférence au libre (un peu comme POPOV), et il a fini 9e du 100 libre des Jeux de Rio, manquant la finale d’assez peu (0s83 séparaient le premier du 16e des demi-finales olympiques !). A Budapest, en 2017, il a fini 4e du 50 mètres enlevé par DRESSEL, 21s46 contre 21s15, et seulement 24e du 100 mètres (48s99) dont la finale serait enlevée par l’Américain, en 47s17.

En 2018, il a continué de s’ingénier à ne pas monter sur le podium, aux championnats d’Europe de Glasgow, où il a fini 4e du 50 mètres en 21s74, trouvant le moyen de se faire battre par PROUD, GOLOMEEV et VERGANI alors qu’il avait nagé 21s44 en demi-finales. La tension de la finale lui coûta personnellement trois dixièmes…

Il ne passa pas le cap des séries sur 100 mètres, en raison de la loi des deux nageurs par nation en séries.

La seule médaille individuelle en grand bassin qu’il ait ramené semble être l’argent du 50 libre de Barcelone, aux mondiaux 2013.

Le natif de l’Oblast de Novossibirsk (en 1992), s’il a soigneusement évité de monter sur un quelconque podium international en grand bassin, s’est fait une spécialité du 25 mètres. Le goût lui en est peut-être venu de ses années, émigré aux Etats-Unis, à disputer les compétitions scolaires pour son école secondaire de Torrance, au sud de Los Angeles, puis universitaires de la NCAA, dont il a été plusieurs fois champion avec la légion étrangère de Dave Salo, à USC.

Si MOROZOV est devenu une sorte de phénomène du sprint en petit bassin, il ne peut jusqu’ici comparer son palmarès à celui, énorme, de Caeleb DRESSEL, que j’ai souvent évoqué dans ce blog (à tout seigneur tout honneur). Sa carrière en Universitaires, sa montée en puissance dans les épreuves de grand bassin jusqu’à l’épiphanie des championnats du monde de Budapest (trois médailles d’or individuelles: 50 mètres, 100 mètres et 100 mètres papillon) font de lui le sprinter du jour.

Mais aux mondiaux d’Hangzhou, l’Américain n’a pas paru aussi à son aise que par le passé. MOROZOV l’a défait sur 50 mètres, en 20s33 contre 20s54 (tandis que PROUD était disqualifié – pour la 2e fois de l’année, après les Jeux du Commonwealth).

Sur 100 papillon, Caeleb s’est fait surprendre par Chad LE CLOS, passant pour sa part en 5e position avant de revenir, mais trop tard. On a beau dire, malgré l’estime due à LE CLOS, c’était un peu surprenant.

Caeleb DRESSEL a gagné le 100 libre en utilisant la même approche que sur le 100 papillon – qu’il a en revanche perdu, preuve que la stratégie employée n’est qu’un des éléments de la victoire, comme de la défaite(!). Il est parti plus lentement que ses principaux rivaux et a nagé une course équilibrée.

A l’arrivée, il a devancé MOROZOV de deux centièmes et LE CLOS de 0s27. Son passage en 21s86 le laissait à la traîne de ces deux hommes, qui touchaient en 21s39 et 21s59.

Mark SPITZ disait malicieusement qu’une course ne se gagne pas au départ, mais à l’arrivée. Il y a de ça.

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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