Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.
Samedi 23 Septembre 2018
La Fédération Française de Natation quitte Hermès et Chanel, à Pantin, pour s’approcher de L’Oréal, à Clichy, rue Martre (comme le carnassier de basse-cour)…
Alors, on reste dans le luxe ? Rien n’est moins sûr. La surface est divisée par deux, et si l’on devra serrer les troupes dans des « open spaces », en songeant qu’après tout, les sardines aussi sont des êtres aquatiques, cela va permettre des économies, et en théorie de diriger les flux financiers dégagés vers le « terrain ».
Et puis, n’est-il pas vrai, les meilleurs parfums se trouvent dans les plus petits flacons ?
Le siège dont le président Francis LUYCE était si fier n’avait pas coûté cher au départ, mais s’avérait ruineux en charges, un peu comme si on le rachetait chaque trois ans. En le vendant dans les 2,6 millions €, on a épongé, m’a-t-on assuré, un fort déficit…
Toujours est-il que le mode de vie va changer. Cinquante salariés, dix cadres techniques, les quelques élus, au quotidien, devront se partager 800 mètres carrés sur quatre étages au lieu de 2000 sur deux niveaux.
D’ailleurs, avec les nombreux mouvements en direction de la sortie de techniciens, on ne réduit pas que les mètres carrés, mais aussi les effectifs. Nous y reviendrons… Sezionale mise sur le télétravail pour que les employés ne s’empilent pas les uns sur les autres et lui-même donne l’exemple: il n’est pas beaucoup au siège.
Et le déménagement se fera le 1er octobre. Par ailleurs, si l’ancienne équipe avait largement dépensé, certains postes actuels pèsent dans l’actuelle organisation, en raison des va-et-vient constant d’un DTN de Bordeaux, d’un directeur général et d’un président de Nice, de la Secrétaire générale de Dijon, du Directeur de la natation de Font-Romeu, du trésorier de Toulouse, etc…
Se passer de la célèbre « dictature » parisienne, cela coûte cher.
Le Ministère a réussi au passage à placer ses troupes, en l’occurrence Agnès BERTHET et Rémi DUHAUTOIS, lesquels sont devenus d’emblée adjoints du DTN. Sur le papier des gens pas plus contestables que d’autres… DUHAUTOIS, ancien (2001) champion du monde junior d’aviron en quatre de couple et, je cite, « un grand nom de l’aviron haut-savoyard », a été bombardé Directeur du haut-niveau, on suppose qu’il connait bien le sport et pas trop bien la natation. Mais bon, s’il apprend vite !
On se rappelle un précédent « transfert » de l’aviron à la natation, celui de Dominique BASSET, choix de Christian DONZÉ, passé par le water-polo, aujourd’hui conseiller technique Île-de-France. On m’affirme que la greffe n’a jamais réellement pris.
Grand nom ou pas, le palmarès de rameur de DUHAUTOIS se fige très vite. Après 2001, il ralentit fortement sur les plans d’eau, et poursuit une carrière dans l’administration du sport, devient professeur d’EPS (2007-2010), mais abandonne très vite l’enseignement dans un bahut pour se retrouver dans son douar d’origine, l’aviron.
En 2013, DUHAUTOIS est encore responsable du pôle espoir de la région d’Île-de-France à la Fédération française d’aviron. Qu’il quitte en juin 2014, après avoir mené un fantomatique département recherche… N’apparait aucun travail qu’il a pu mener, ni même une allusion à un département recherche sur le site fédéral.
Mais c’est peut-être pour ça que c’est de la recherche. Parce qu’on ne la trouve pas.
Puis le voici « évaluateur de fédérations » au Ministère des sports, mais je ne sais pas s’il a évalué grand’ chose. Les évaluations et autres contrôles des Fédérations sont réalisés en fait par des inspecteurs généraux de la Jeunesse et des Sports, des pointures, blanchies sous le harnais, comme Henri BOERIO et Thierry MAUDET, anciens directeurs de l’INSEP, Fabien CANU, Joël DELPLANQUE, bref des personnalités éminentes.
Derrière évaluateur de fédérations, lisez qu’en fait DUHAUTOIS rame derrière un ordinateur et se passe le dernier film de Netflix en attendant une affectation. Je ne sais pas trop si ce monsieur travaille, mais pour rebondir, il n’est pas mal!
Et le voici qui débarque à la Fédé de natation avec une mission.
On le pose là en lui donnant les mêmes attributions, directeur technique national adjoint, que Nicolas SCHERER, selon une technique éprouvée. SCHERER, un ancien entraîneur de l’INSEP, voit ses attributions vidées de leur contenu, ISSOULIÉ oublie de le convoquer aux réunions où DUHAUTOIS ramène sa fraise, jusqu’à ce qu’il jette sa démission… Depuis un mois, SCHERER est redevenu conseiller technique régional des Hauts-de-France. La fonction qu’il occupait en Île-de-France entre 2009 et 2014. Cette méthode – que je trouve personnellement indécente, mais qui est malheureusement un classique dans certains milieux professionnels – avait très bien marché quelques années plus tôt pour dégoutter Philippe DUMOULIN.
Et BERTHET ? Elle a nagé à Ondaine, à l’époque de Virginie DEDIEU. Comme équipière du ballet, elle sera, à trois reprises, 2e des championnats d’Europe – en 1995, 1997 et 1999. Entraîneur de natation synchronisée depuis 2000, on la retrouve, en 2011, à filmer en vidéo les championnats, ce qui doit créer une empathie avec ISSOULIÉ qui faisait la même chose en water-polo.
Elle est à partir d’août 2013 chargée de mission CGO CTS. C’est quoi ce truc là ? Lisez « centre de gestion opérationnelle des conseillers techniques et sportifs ». Rien de plus anodin ? Pas sûr, parce que c’est le moment de lire entre les lignes.
LES NOTES DES CADRES TECHNIQUES, OU QUAND LES DERNIERS SERONT LES PREMIERS
Lire quoi ? Que BERTHET a fait partie de ces administrateurs qui, sous prétexte de gérer et d’accompagner les Conseillers Techniques Sportifs, se chargent « d’organiser le plan social des cadres techniques ».
De quoi s’agit-il ? Remontons assez loin dans le temps, à l’époque de l’étonnement de l’administration devant l’existence d’un corps de métier, les conseillers techniques, qui se trouvent sur le terrain et qui bossent d’autant mieux qu’on ne les voit jamais dans un bureau.
La dite administration ne comprendra semble-t-il jamais cette fonction.
Je me souviens du découragement d’un directeur technique national, Roger GERBER, à l’haltérophilie : le Comité régional, prétendait-il, promouvait systématiquement ceux qui servaient le moins le sport.
Pourquoi cela ? Parce que celui que son directeur régional voyait tout le temps dans son bureau en semaine, repeignait la grille de son jardin les week-ends et pondait en semaine comme en fin d’année des rapports détaillés en triples exemplaires sur l’activité à laquelle il participait si peu, était bien noté par la hiérarchie administrative.
En revanche, celui qui, jamais dans son bureau parce que sur le terrain, se battait pour faire progresser le sport, et ramenait en plus de ses déplacements des notes d’essence et de sandwichs, était censé ne rien foutre (on ne le voyait pas) ; il coûtait des sous, ennuyait tout le monde et ne savait pas torcher son rapport.
Comme à l’époque, Jules COULON, Henri SÉRANDOUR, Robert BOBIN et quelques autres grands patrons du sport à l’ancienne faisaient le même constat que Roger GERBER concernant la façon aberrante dont leurs conseillers techniques étaient notés, je me disais qu’il y avait un vrai souci. Bien sûr, il venait de ce que l’autorité hiérarchique qui notait n’avait rien avoir avec l’autorité fédérale qui seule pouvait apprécier le travail réalisé.
La seule réponse intelligente à un tel travers, c’eût été de confier la notation du technicien au Directeur technique de la Fédération.
Mais allez demander à l’administration, méfiante et tatillonne par nature, et jalouse de son pouvoir, faire confiance et abandonner une prérogative aussi délicieuse que celle qui revient à noter ces aventuriers du sport que sont les hommes de terrain.
Après, c’est une question d’hommes. Quand le colonel CRESPIN était directeur des sports du ministère, il n’avait pas besoin de voir Honoré BONNET (ski), Robert BOBIN (athlétisme), Lucien ZINS (natation) et Pierre SAUVESTRE (aviron) pour savoir qu’ils travaillaient d’arrache-pied pour la plus grande gloire du sport… Aujourd’hui, ce type de grands patrons a disparu.
Je dois reconnaître que j’ai admiré un jour Noël COUEDEL, le directeur de L’Equipe magazine, quand, arrivant dans l’open space de la rédaction, et voyant la plupart des bureaux vides, il me dit : « Ah ! ça fait plaisir de constater que tous les gars sont en train de bosser sur le terrain. » Le plus beau, c’est que c’était très probablement vrai ! Mais il faut avoir une passion et une confiance dans l’humain (et avoir fait soi-même le métier) pour penser comme ça !
Donc, vus des bureaux ministériels, « des fonctionnaires payés par l’Etat et que l’on ne voit jamais, qui travaillent au sein des ligues ou fédérations, qui encadrent des équipes sportives, qui partent toute l’année en stage » c’est forcément douteux !
Depuis quelques années, s’est ajoutée la consigne venue d’en haut, des sommets de l’administration, de réduire les CTS et donc le pouvoir administratif devient stratégiquement essentiel : une arme pour peser sur les effectifs.
Au bout de toute cette démarche soupçonneuse de l’administration et du désir de tailler dans la masse, on en arrive au marigot du CGO CTS, où les – pour ce qui nous concerne – Rémi DUHAUTOIS et les Agnès BERTHET ont fait leurs classes de bébés crocodiles.
(à suivre)