A Djakarta, la natation des Jeux Asiatiques se résumera en un classique duel Sino-Japonais

Eric Lahmy
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August 16th, 2018 Français

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Jeux Asiatiques 2018

Jeudi 16 Août 2018

Ayant rencontré Ranomi KROMOWIDJOJO, nageuse néerlandaise d’origine javanaise, Mr Anindya BAKRIE, président de la Fédération indonésienne de natation (PRSI) a pu se convaincre de la capacité de nager vite des enfants de son pays.

Les Jeux asiatiques de Djakarta Palembang se tiendront pour ce qui concerne la natation au Centre Aquatique Gelora Bung Karno de Senayan (quartier de Djakarta), à partir du 19 et constitueront la quatrième et dernière concentration de très haut niveau de la saison, après les championnats des Etats-Unis, les championnats d’Europe et les Jeux PanPacifiques.

Les Japonais, qui ont présenté leur grande équipe aux PanPacifiques, seront à nouveau sur la sellette. Après avoir affronté Américains, Australiens et Canadiens (et dans certains course, Brésiliens), les voici qui vont se mesurer à l’aune des Chinois…

La rencontre est celle de deux styles, de deux histoires, de deux conceptions de la natation. Les Japonais, façon de dire, furent les inventeurs de la compétition en natation, puisque la première course qu’ils disputèrent eut lieu au 16e siècle, dans le Japon impérial. Le meeting dura trois jours.

La natation japonaise était une natation militaire et en eaux vives. Parmi les épreuves, il y avait la nage à cheval, le passage sous un navire et autres formes de nage extrêmement éprouvantes qui préparaient les guerriers japonais aux pires difficultés dans les affrontements.

Invités à changer le moule, les Japonais, désireux de se mesurer au reste du monde, non sans quelques belles chicanes internes, se modelèrent à la façon nouvelle, avec ses maillots de bains et ses lignes d’eau dans des piscines cubiques aux dimensions précises, et, après quelques années de tâtonnements et d’apprentissages, dès les années 1930, se mirent à dominer le monde au plan des résultats comme à celui des techniques.

La Deuxième Guerre mondiale mit entre ses cruelles parenthèses les confrontations pacifiques de la natation olympique, et lorsque la paix revint, le Japon était toujours le premier pays de natation du monde, mais ne put le prouver.

Le pays (comme l’Allemagne) fut interdit de Jeux à Londres. Au pays, dans le même programme et les mêmes journées que les Jeux de Londres, les Nippons infligèrent une sévère correction par performances interposées au reste du monde. Leur étoile Ironoshin FURUASHI, qui allait devenir bien plus tard vice-président de la FINA) nagea son 1500 mètres une minute plus vite que le vainqueur de Londres. Sur 400 mètres, où il nagea plus vite que le record du monde du Français Alex JANY, il aurait laissé le champion olympique à huit secondes !

SUN YANG OU KOSUKE HAGINO ? RIKAKO IKEE OU LI BINGJIE ?

A cette impressionnante et quelque part admirable natation japonaise, les Chinois ont opposé un système plus compliqué, beaucoup moins exemplaire, dans des situations différentes. Après la révolution communiste, la Chine boycotta, des décennies durant, les Jeux olympiques en raison de la présence de Taïwan sous le nom de république de Chine.

Le tardif retour chinois, à la fin du 20e siècle, fut des moins glorieux. Afin de rattraper le temps perdu par un demi-siècle d’isolement, les Chinois importèrent les talents d’entraîneurs d’Allemagne de l’Est que l’écroulement du système soviétique et la disparition de leur pays englobé dans l’Allemagne avaient mis sur le marché. Or ces coaches avaient été formés à doper leurs nageurs avec les produits virilisants, et ces criminels à la petite semaine eurent tôt fait d’enseigner la méthode aux Chinois.

Ces derniers apprirent vite, et la fraude fonctionna à plein. La natation féminine chinoise devint la meilleure du monde et la Fédération internationale ne fit pas grand’ chose pour y remédier… Dans un système où qui n’est pas vu n’est pas pris, la FINA, qui est elle-même un club de fraudeurs, joue un rôle essentiel, vu qu’elle ne regarde pas, donc ne voit pas, donc ne « prend » pas (elle n’est pas la seule).

On souhaite que cet épisode soit dépassé, mais je ne puis affirmer ne ressentir aucune suspicion quand un Chinois ou une Chinoise se met à nager vite.

Mais enfin…

Tout cela pour dire qu’à Djakarta, l’équipe chinoise constituera une coriace adversaire. On y note le retour de SUN Yang sur 1500 mètres. Le double champion olympique (400, 1500) des Jeux olympiques de Londres, en 2012 avait déserté l’épreuve la plus longue du programme, au profit du 200 mètres dont il a depuis sept ans été l’un des meilleurs exposants : vice-champion olympique en 2012, champion olympique en 2016. Cette année, il est engagé sur toutes les courses individuelles du 200 au 1500 mètres. Et comme il ne manque guère de vitesse, on l’annonce également dans le relais quatre fois 100 mètres libre.

NING ZETAO ENSEVELI PAR SES FOLLOWERS

En revanche, NING Zetao, le champion du monde 2015 du 100 mètres a disparu de la circulation. Sa dernière sortie, aux Jeux olympiques de Rio, s’est soldée par une décevante 12e place sur 100 mètres. Le playboy de la natation chinoise aurait mal digéré la soudaine attention qui a suivi sa victoire à Kazan (de 2,7 à 7,7 millions de « Weibo followers ») ! En 2016, ses 48s37 n’ont pas suffi à l’amener en finale, et à l’époque des sélections chinoises pour les Jeux asiatiques de Djakarta, il s’entraînait à Brisbane, chez son coach australien Matt BROWN.

La vedette chinoise pourrait bien être, outre SUN Yang, XU Jiayu, le champion du monde du 100 dos de Budapest. Issu d’une famille de nageurs (ainsi sa mère et une sœur ainée) il a aussi fini 5e du 200 dos aux mondiaux.

On attend aussi avec un intérêt particulier les performances des trois jeunes nageuses de demi-fond, LI Bingjie, ZHANG Yuhan et YOU Hawen, lancées dans la tâche impossible de recoller à Katie Ledecky. Pour l’instant, les Japonaises n’ont personne à leur opposer

Mais derrière chaque affrontement sino-japonais dans les 41 épreuves que comprend le toujours croissant programme de la FINA, se profile bien entendu pour les observateurs un match collectif dont on ne sait trop qui sortira vainqueur. Il y a quatre ans, à Incheon, en Corée du Sud, la Chine avait ramassé 47 médailles contre 46 aux Japonais, mais surtout enlevé la mise avec 22 médailles d’or contre 12 aux Nippons. Sur le papier, les Chinois devraient l’emporter dans cet affrontement de prestiges nationaux, mais il n’est pas interdit de penser que les étoiles japonaises aient prévu que les PanPacifics constitueraient un marchepied en direction de Djakarta. Ce qui est sûr, c’est que Djakarta sera un marchepied en direction de Tokyo 2020.

Vous avez dit : banzaï ?

Kosuke HAGINO sera engagé sur 400 mètres et les quatre nages, Ryosuke IRIE disputera tout le dos, Yasuhiro KOSEKI toute la brasse, et Daya SETO suivra un programme assez déconcertant : 50 brasse, 200 papillon et les quatre nages. Ippei WATANABE se présentera sur 100 et 200 brasse. Le duel perdu d’un rien face aux USA dans les relais quatre nages a attiré l’attention sur les sprinteurs japonais qui pourraient cartonner face aux Chinois. Côté dames, Rikako IKEE sera très demandée, avec cinq courses individuelles (50, 100 et 200 libre, 50 et 100 papillon) si l’on ajoute qu’elle sera la cheville ouvrière des trois relais – des quatre si l’on ajoute l’absurde relais mixte… Les autres points forts japonais seront le papillon (avec Suzuka HASEGAWA et Sachi MOCHIDA) et surtout le 400 quatre nages avec Yui OHASHI, la double gagnante ses PanPacifics. Mais dans un contexte où les valeurs ne cessent de se resserrer, la préparation et la forme du moment joueront un rôle primordial…

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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