Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.
Un Baléare de dix-neuf ans, attendu comme LE futur grand d’Espagne, pourrait faire la semaine prochaine une entrée tonitruante dans le championnat universitaire US.
Les finales universitaires américaines des NCAA risquent d’être dominées par les performances de Caeleb Dressel. Mais l’étudiant floridien – en quatrième et dernière année (senior) -, dont on espère de grandes choses (ainsi « le » premier 100 yards libre en moins de quarante secondes – il détient le record avec 40s00 juste) ne sera pas seul en piste.
On ne saurait être sûr de rien. Mais parmi les nombreuses individualités qui tenteront de s’imposer et au milieu des duels d’universités qui s’opposeront pour le titre par équipes, un nageur, non-américain, attire aujourd’hui mon attention…
…L’été passé, les championnats du monde juniors, à Indianapolis, consacrèrent, à dix-huit ans, Hugo Gonzalez de Oliveira comme un futur grand d’Espagne. Ibérique par son père qui lui a transmis sa passion de nager, brésilien par sa mère, Nadia de Olivera, natif de Majorque (comme Rafael Nadal), la plus grande des îles Baléares, il avait gagné trois médailles d’or et une d’argent. Le Majorquin avait gagné les 100 et 200 dos et le 400 mètres quatre nages, fini 2e du 50 mètres dos et atteint la quatrième place du 200 quatre nages.
Il avait établi à Indianapolis trois records personnels, avec 25s30 au 50 dos, 1’56s69 au 200 dos et 4’14s65 au quatre nages. D’autant plus prometteur que son année n’avait pas été facile, entre une mononucléose qui l’avait affaibli pendant un trimestre, et un changement de club délicat en termes d’adaptation.
Impressionné par de tels états de service, le quotidien espagnol Marca suggérait que la natation espagnole, d’ici les Jeux olympiques de Tokyo, en 2020, ne serait plus exclusivement représentée par Mireia Belmonte, arbre emblématique d’une forêt hispanique assez effeuillée.
A dix-huit ans, de très rares nageurs sont déjà tout en haut de l’affiche. Mais tout le monde ne s’appelle pas Michael Phelps, et les capacités futures de Gonzalez devront s’inscrire dans une forte capacité de progrès supplémentaires. Pour ce faire, il a rejoint l’Université américaine d’Auburn où il est entraîné désormais par l’un des coaches les plus pointus de la natation d’aujourd’hui, lui-même ancien médaillé olympique et espagnol, Sergio Lopez.
Méditant sur ce qui fait un grand nageur, le chroniqueur d’El Pais Diego Torres, dans un article du 20 mars 2016, avait rédigé une approche judicieuse : « multiples et non évidents sont les facteurs qui définissent les grands nageurs. Ni la stature, ni la force, ni la coordination, ni la densité moléculaire, ni le caractère, ni la race, ni la culture ne permettent d’appréhender facilement la présence d’un talent unique pour glisser sur l’eau. L’Espagne n’est pas une nation prolifique dans ce genre de sportifs d’abnégation et solitaires qui doivent passer submergés la moitié de leur existence pour savoir s’ils disposent de ce dont il faut disposer. Le dernier exemplaire de ce type d’hommes fut Sergio Lopez. »
Il est toujours intéressant de noter ce qu’un œil neuf peut voir dans un monde où l’habitude finit par vous rendre aveugle à son caractère original, et Diego Torres, branché football, est un journaliste incisif.
Le regard de l’extérieur est déconcerté, déstabilisé, par ce qui, pour ceux qui se situent à l’intérieur de la forteresse (la forteresse natation en l’occurrence), est tout à fait normal, ou, plus encore, banal.
LA NATATION, ACTIVITÉ BRILLAMMENT EXCENTRIQUE
Vu de l’extérieur du bocal à poisson, le sport de haut niveau apparait ce qu’il est : une activité brillamment excentrique. Nager trois heures et passer une heure dans une salle à s’exercer, chaque jour, ce n’est pas une vie « normale » (même si ce n’est pas forcément pour autant une vie « anormale »).
Gonzalez, au physique, possède les attributs qui conviennent, taille, 1,92m, et légèreté. Il est moins « phénoménal » que sa jeune sœur Nadia (ça nage en famille), laquelle, à douze ans, forte de son un mètre quatre-vingts, dézinguait à tour de bras les records de jeunes espagnols, et à treize, raflait des médailles aux Jeux olympiques de la jeunesse…
Mais Nadia ne parait pas tenir ses promesses. Hugo, en revanche, continue de progresser. Le mois dernier, alors qu’il n’avait jamais disputé une course en yards et en petit bassin, il assurait l’actuelle performance qui fait de lui le chef de file dans les « psych sheets », listes d’avant le grand championnat NCAA. Il est n° 1 sur 200 quatre nages avec 1’40s67, sur 400 quatre nages, en 3’35s78, et n°3 du 200 dos, en 1’39s05. La grande finale NCAA se tiendra à l’University Aquatic Center de Minneapolis, dans le Minnesota, du 21 au 24 mars (la compétition féminine, du 14 au 17 au McCord Aquatic Pavilion de Colombus, dans l’Ohio).
Gonzalez est un rare étudiant de première année (freshman) à se positionner en tête de liste (et sur deux épreuves, s’il vous plait). Seul autre dans ce cas, Austin Katz, un freshman du Texas, qui le devance sur 200 dos avec un temps de 1’38s49…