N’ayons pas peur du mot: le temps de 51s71 réussi par Sarah SJÖSTRÖM sur 100 mètres nage libre, au départ du relais quatre fois 100 mètres, en finale de l’épreuve, en ce premier jour de courses en piscine, ce temps, dis-je, est historique.

D’abord, la Suédoise passe sous les cinquante deux secondes, chose qui fait date. La limite des 52 secondes fut vaincue pour la première fois par un homme en 1970, et ce n’était pas n’importe qui, puisqu’il fut élu, en 2000, nageur du siècle. Il s’agit de Mark SPITZ, célèbre pour ses sept médailles d’or conquises aux Jeux olympiques de Munich, en 1972. Pour son premier passage sous les 52 secondes, SPITZ avait réussi le temps de 51s94. C’était en séries des championnats US 1970, à Los Angeles.

Ce fut aussi la première fois qu’un record du monde du 100 mètres au centième de seconde fut reconnu. Le précédent record, 52s2, qui datait de la finale des Jeux olympiques de Mexico, en 1968, avait été établi par l’Australien Michael WENDEN).

L’anecdote liée à ce record ? SPITZ fut battu, en finale de la course des championnats US, après avoir pris un départ ultra-rapide. Frank HECKL le devança d’un centième de seconde, en 52s48 contre 52s49 ) !

La Suédoise, une femme donc, 47 années plus tard, a devancé le SPITZ de 1970, et n’est pas loin de celui de 1972, dont le record du monde était de 51s22. Comment cela est-il possible ? Une grande partie de l’explication réside dans la forte progression des records en natation. Il a fallu comprendre et, pour ainsi dire, domestiquer l’élément liquide, pour lequel l’homme n’est pas naturellement fait (même si il a fini par s’y débrouiller honorablement) et cela a pris un bon siècle de progrès techniques. La question qui se pose aujourd’hui est celle liée aux limites de ces progrès techniques.

SJÖSTRÖM a donc « battu » SPITZ un peu (beaucoup) parce que le record du monde messieurs, lui, est passé entre-temps de 51s9 à 47 secondes.

Il y a aussi que, du temps de SPITZ, le professionnalisme n’existait pas. Mark était un étudiant en deuxième année de dentaire et n’avait pas le droit de gagner un centime de son excellence aquatique. A 22 ans, quand il enleva ses sept médailles olympiques, les contrats qui se mirent à pleuvoir le contraignirent à abandonner la natation. Quatre ans après son triomphe de Munich, le record du monde du 100 mètres allait être amené à 49s44 par le Sud-Africain Jonty SKINNER.

D’autres éléments jouent également, comme la musculation (encore que SPITZ l’avait pratiquée notamment avec James COUNSILMAN et était l’un des plus forts nageurs américains dans les mouvements de détente, de vitesse explosive).

Malgré l’extraordinaire qualité de ses ondulations, qui lui permirent de révolutionner les records des 100 et 200 mètres papillon, SPITZ ne put en tirer profit comme les nageurs d’aujourd’hui : les entraîneurs n’enseignaient pas de telles ondulations après leurs départs et virages, ondulations qui furent « créées » et mises au point par le Britannique Gary ABRAHAM, et illustrées dans les courses de dos et de papillon, par celui-ci, aux Jeux de Moscou, en 1980 – comme SJÖSTRÖM et tous les nageurs actuels le font…

Il y a aussi, je crois, qu’on s’est totalement décomplexé au sujet de l’entraînement des filles et qu’elles ont pu se rapprocher des garçons. Je ne sais quelle place donner au gabarit dans cette affaire, mais je note que SJÖSTRÖM, avec son 1,86m, est plus grande que ne l’était SPITZ, dont je ne crois pas, pour l’avoir cotoyé, qu’il dépassait le 1,83m.

Bien entendu, tout ceci n’enlève rien à la grandeur de SJÖSTRÖM, qui a bel et bien remplacé les CAMPBELL au titre de meilleure nageuse de sprint de l’instant. Dans le relais, avec ses 51s71, elle a nettement devancé sa seconde au départ, l’Américaine Mallory COMERFORD, 52s59, ce qui est une très belle performance. Et dans les parcours lancés, on ne trouve rien qui se compare à elle. Celle qui se rapproche le plus d’elle est la Néerlandaise Ranomi KROMOWIDJOJO. Ses 51s98 valent autour de 52s70 lancés. Et les deux championnes olympiques ex-aequo de Rio, Simone MANUEL (USA), 52s14 et Penelope OLEKSIAK (Canada), 52s98, sont, semble-t-il, distancées. Tout comme Bronte CAMPBELL, la championne du monde australienne de 2015, 52s14, et Emma MCKEON, sa compatriote, 52s29…

Maintenant, le titre de ce relais est revenu aux Américaines, en 3’31s72 contre 3’32s01, en face des Australiennes qui pourront regretter la présence de Cate CAMPBELL, et des Néerlandaises, 3’32s64.