Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.
On a pu lire dans les gazettes que Romain BARNIER, l’entraîneur du Cercle des Nageurs de Marseille, suite à un bel énervement, a été suspendu 6 mois de ses fonctions par l’Agence Française de Lutte contre le Dopage.
BARNIER a fait appel de la décision devant le Conseil d’Etat, selon l’AFP.
Le coach marseillais a été sanctionné le 6 juillet par le collège de l’AFLD pour s’être opposé au cours du mois précédent à un contrôle antidopage concernant trois de ses nageuses lors d’un entraînement. Son appel sera débattu le 23 août au Conseil d’Etat.
Les réseaux sociaux, immanquablement, se sont emparés de l’affaire et ont commencé de raconter des histoires effarantes sur les « responsabilités » d’ici et de là, notamment de la Fédération française de natation, qui aurait dû, lit-on sous la plume de personnes plus imaginatives que bien informées, prendre des dispositions pour empêcher BARNIER de se rendre à Budapest où il faisait partie de l’encadrement de l’équipe de France.
Voire !
La Fédération, quoiqu’impliquée de par les rôles de BARNIER, dont le contrat de préparation olympique s’arrête le 31 août et dont il ne vous étonnera pas d’apprendre qu’il ne sera pas reconduit, la Fédération, donc, n’avait pas jugé bon d’intervenir plus tôt (l’affaire s’étant passée en juin) au nom de la présomption d’innocence.
ROMAIN PERD L’EMPIRE DE LUI-MÊME
Dans un premier temps, BARNIER avait été relaxé, mais l’AFLD avait fait appel. La « condamnation » de notre impétueux Phocéen a pris son temps pour voyager, et n’a pu être connue de la Fédération que le 3 août, soit après quatre semaines. Arrivée sous forme d’un pli en recommandé alors que les décideurs fédéraux étaient déjà sur place à Budapest, elle n’avait pu être ouverte, par le personnel, en l’absence d’une personne autorisée. La Fédération n’a donc pas disposé officiellement à temps des éléments qui auraient pu l’amener à écarter BARNIER du staff au moment du départ pour les mondiaux de Budapest…
Une autre question, BEAUCOUP PLUS GRAVE, se pose en l’occurrence. Il me semble que personne, en France, n’a osé se la poser, comme on l’aurait fait s’il s’était agi d’un coach chinois à Shanghai ou russe à Moscou ! Comment BARNIER, riche d’une vingtaine d’années d’expérience de nageur de haut niveau et d’entraîneur à succès, a-t-il pu prendre le risque d’opter pour un comportement aussi énervé, aux portes du suicidaire, professionnellement s’entend, quand on sait les enjeux du contrôle anti-dopage et les pouvoirs qui ont été donnés à l’institution pour lutter contre ce genre d’obstruction ? Comment a-t-il pu se permettre d’interdire à une personne diligentée par l’anti-dopage d’effectuer sa mission de salubrité publique ? Ne sait-il pas ce qu’est une entrave à l’exercice de la justice ?
Le soupçon qu’on n’ose formuler, mais qu’on ne va pas se priver de nourrir à l’étranger, à travers l’Europe, l’Australie et les Amérique, après avoir écarté l’hypothèse du « soupe au lait caractériel qui ne se contrôle » pas, est le suivant : BARNIER s’est-il jeté en avant et a-t-il « donné sa peau » pour protéger ses nageuses, Mathilde CINI, Anna SANTAMANS et Mélanie HENIQUE, parce que celles-ci auraient pu avoir ingéré un produit répréhensible situé entre créatine et meldonium, sinon pire? Est-ce que l’on protège, est-ce que l’on encourage, est-ce que l’on défend le dopage à Marseille? Et est-ce que cette histoire ne polluera pas définitivement sa carrière ?
Voilà dans quel pastis, et avec quelle paranoïa on se trouve confronté après une telle histoire.
LES ETRANGES MANOEUVRES DU MINISTERE DES SPORTS
L’un des effets secondaires de l’affaire BARNIER est d’avoir réduit à néant sa candidature au poste de Directeur technique national de la Natation Française.
Sa nomination, vue de loin, aurait pu paraître jouable, puisque BARNIER était l’un des deux prétendants que le Ministère avait retenus dans la short liste (la très short list) proposée à Gilles SEZIONALE. L’affaire du contrôle au cours duquel le coach marseillais perd le sien, de contrôle, fait que l’autre nom est comme qui dirait celui du prochain DTN de la natation française et c’est Julien ISSOULIE.
Actuel directeur du water-polo de l’Île-de-France, Julien ISSOULIE, un protégé de Richard PAPAZIAN à Nice, a parait-il tapé dans l’œil de la commission ministérielle dont on aimerait 1) connaître les critères ; 2) savoir si elle se réunissait après des repas très arrosés ; 3) comprendre comment elle apprécie les qualités nécessaires à la direction de la natation.
Cette nomination, qui ne saurait tarder, fait penser, dans les milieux techniciens, que les instances dirigeantes ont fait le choix d’un DTN faible ces prochaines années. On verra à l’usage ?
On se demande quand même un peu comment ISSOULIE, quelles que soient ses qualités, par ailleurs, a pu peser plus lourd dans la balance qu’un Richard MARTINEZ, pour ne parler que de lui – mais aussi de quelques autres. Peut-être va-t-il nous étonner, et franchement je le souhaite, mais il y a quelque chose de mystérieusement politique, d’étonnamment orienté, de tractations souterraines dans son élévation au poste éminent qui sera sien.
Disons-le, parce que ce n’est rien d’autre qu’un secret de Polichinelle, BARNIER n’était pas tenu pour candidat valable par le président de la Fédération française de natation, ce qu’on peut comprendre après certaines contre-performances sportives et humaines du CNM de ces dernières années.
SEZIONALE avait clairement fait comprendre à la direction des sports du ministère qu’il n’était pas question pour lui de travailler avec aucun des deux Marseillais qui s’étaient présentés, Romain BARNIER et Jacques FAVRE. Antidopage ou pas, les chances de BARNIER d’atteindre le poste se situaient au niveau zéro virgule zéro.
Pour des raisons purement marseillaises, BARNIER était fortement appuyé localement et auprès du ministère par un membre du Cabinet ministériel, Pierre DANTIN, qui a travaillé dans le passé avec l’Olympique de Marseille, avec le handballeur ONESTA, des perchistes, avec BARNIER mais aussi avec Laura FLESSEL. On dit qu’il jouit d’une certaine influence sur la ministre actuelle, dont il est présenté comme un vieil ami.
DANTIN est peut-être de bonne volonté dans cette affaire, mais il ne connait manifestement pas le dossier, où, à mon humble avis, il s’est seulement occupé de faire avancer un de ses potes.
Après la mise à l’écart de Jacques FAVRE, SEZIONALE avait désiré Laurent GUIVARC’H au poste de DTN. Mais tout en reconnaissant les qualités administratives de celui qui avait pris le poste de DTN par intérim, le président n’a pas pu s’empêcher d’observer que GUIVARC’H ne s’imposait pas dans le milieu compliqué et jonché de peaux de bananes des entraîneurs de l’équipe de France, lesquels, parait-il, ne reconnaissaient pas en lui les qualités d’un chef naturel. Pourtant, ses pairs de la technique estiment qu’il est l’un des seuls à disposer de la pointure intellectuelle pour mener les actions compliquées de Directeur technique.
Il n’est pas impossible que les choses soient encore plus difficiles pour ISSOULIE, deuxième poloïste, trois décennies après Jean-Paul CLEMENÇON, à accéder au poste. Mais CLEMENÇON avait une puissance de feu cérébrale et une autorité née dans les basques de Patrice PROKOP. Sans médire des qualités d’ISSOULIE, il y a un côté lapin qui sort d’un chapeau dans sa nomination. Il reste à lui souhaiter bonne chance (et à la natation française).
Pour en revenir à BARNIER, il s’est vu «(interdire) de participer, directement ou indirectement, pendant six mois, à l’organisation et au déroulement des compétitions et manifestations sportives autorisées ou organisées par la Fédération française de natation ainsi qu’aux entraînements y préparant», indique la décision de la formation disciplinaire de l’AFLD.
Que signifie «contrecarr(er) clairement l’action des préleveurs», venus effectuer un contrôle antidopage inopiné sur son lieu d’entraînement ?
Il parait que la sanction reste modérée, un rugbyman ayant écopé de deux ans d’interdiction pour les mêmes faits. Il reste à savoir ce qu’en pensera le Conseil d’Etat.