Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.
Lundi 10 Décembre 2018
La lecture du réquisitoire rédigé par les plaignants de l’International Swimming League (I.S.L.) dans le procès qu’ils intentent à la Fédération Internationale de Natation (F.I.N.A.), devant la Cour du Northern District de California, permet d’apprendre certains détails des événements qui ont conduit au litige.
On peut mieux comprendre en effet, en lisant le texte déposé par leurs avocats, qu’ISL, avant de projeter leur meeting italien, avaient essayé de le poser aux Etats-Unis, puis en Grande-Bretagne. Là, ses dirigeants avaient pu tester l’entêtement de l’organisme mondial à vouloir les éliminer en jouant des règlements, ou en exigeant des sommes astronomiques et un contrôle total de l’opération projetée…
Il n’est pas indifférent qu’ISL, ait décidé d’attaquer en Californie, alors que sa cause jouissait d’une jurisprudence prometteuse en Europe. Il n’est pas impossible que l’entreprise ait voulu se donner un avantage du terrain, en quelque sorte.
Cela peut signifier aussi qu’I.S.L. entend, à l’avenir, s’implanter prioritairement aux U.S.A., dans la continuité de son premier mouvement, qui avait été d’organiser son grand show sur le territoire des cinquante Etats. Un jugement qui lui serait favorable, issu d’une Cour de Californie, aurait plus de poids auprès de la fédération américaine, USA Swimming, que la décision d’une juridiction européenne.
On sait par ailleurs que le judiciaire est un vrai pouvoir aux Etats-Unis, qui ne craint pas de juger les systèmes les plus puissants, et que la distance qui va de San Francisco à Lausanne ne dérangera pas.
J’ai traduit quelques passages du réquisitoire d’ISL, en essayant d’éviter certains formalismes de la terminologie du droit :
« Le plaignant, International Swimming League, Ltd. (“ISL”), intente cette action contre la Fédération Internationale de Natation (FINA) afin de prévenir et d’interdire les claires violations des règlements anti-monopolistiques que provoque la façon illégale de la FINA de contrôler complètement, par des moyens illégaux, la promotion et l’organisation des compétitions internationales de natation, lit-on pour commencer.
« Par ses manœuvres, la FINA s’assure qu’elle et elle seule, peut déterminer à quel niveau les athlètes de la natation seront payés de leurs efforts.
« La FINA se désigne comme l’organe qui gouverne tous les sports aquatiques. En tant que gardienne du passage obligé conduisant aux événements aquatiques des Jeux olympiques, il ne fait pas de doute, ainsi qu’elle s’en vante dans son propre site Web, que la FINA « contrôle le développement » de la compétition, autant en natation et en plongeon.
« Ce procès a pour objet de connaître si le contrôle par la FINA des opportunités de nager – du moins celles exercées en-dehors des Jeux olympiques et des compétitions de la FINA – constitue une restriction illégale de la possibilité pour les nageurs – dont dépendent l’argent et le pouvoir de la FINA – de gagner ce qu’ils pourraient espérer dans un marché libéré de la main de fer de la Fédération internationale.
« Ce procès concerne également les actions de la FINA, qui, retranchée et dans la crainte de perdre un total contrôle des compétitions de natation lucratives, exerce de façon illégale son influence dominante afin d’interdire à des organisations autres qu’elle-même d’accroître les opportunités de centaines de nageurs de classe mondiale et de leurs millions supporters à travers le monde.
« La FINA agit de façon à non seulement interdire aux compétiteurs d’entrer sur le marché de la promotion de compétitions internationales comme ISL en propose, mais aussi elle restreint les opportunités pour les commanditaires, sponsors, diffuseurs, et autres types d’agents d’affaires subordonnées, de bénéficier de l’accroissement du nombre de compétitions internationales de natation de haut niveau.
« Ce procès pose également la question de savoir si ces restrictions illégales et déraisonnables et le pouvoir renforcé de la FINA sur le marché a, de façon illégale, réduit la capacité des meilleurs nageurs du monde de jouir d’opportunités accrues d’exploiter les bénéfices de leur dur travail, plutôt que d’avoir à subir l’exploitation continue, contrôlée par la FINA, de leur valeur d’entraînement et de travail.
DERRIÈRE USA SWIMMING, BRITISH SWIMMING OU LA FEDERNUOTO, TOUJOURS L’OMBRE NÉFASTE ET MENAÇANTE DE LA FINA
« Au début 2018, ISL s’inquiéta de mettre en place une compétition de niveau international sous la forme d’une compétition par équipes. Cette compétition, dans l’idéal, se tiendrait aux Etats-Unis d’Amérique, où vivent un grand nombre des meilleurs nageurs du monde.
« Au départ, ISL reçut un accueil enthousiaste d’USA Swimming, la fédération de natation des USA. Au printemps 2018, elle se mit donc à travailler en étroite collaboration avec ISL au projet de compétition qui, décida-t-on, se tiendrait en décembre 2018. ISL et USA Swimming envisagèrent quelques théâtres potentiels du dit spectacle, comme le Mandalay Bay Resort and Casino de Las Vegas, ou l’Université de Californie du Sud (USC), où se tinrent les épreuves de natation des Jeux olympiques de Los Angeles, en 1984.
« Mais la FINA exerça des pressions, à la suite de quoi USA Swimming se retira des négociations. Il ne fut plus question, tout à coup, d’organiser un tel meeting aux USA.
« ISL se mit donc à la recherche d’autres partenaires.
« Pour commencer, elle entra en relations avec British Swimming, dans l’idée d’organiser son événement à Londres. Mais, tout comme sa contrepartie américaine, British Swimming plia sous les pressions de la FINA et rompit toute collaboration avec ISL.
« Comme l’expliqua le responsable en chef des opérations d’USA Swimming (1), dans une lettre du 13 Juin 2018, la FINA « voit cet événement de décembre comme un défi. » De ce fait, USA Swimming ne pouvait prendre part à aucun plan d’ISL, même en tant que participant passif, jusqu’à ce qu’elle reçoive « une assurance écrite d’ISL et de la FINA précisant que la FINA est en accord avec le concept d’ISL et approuve ce concept, » et, pour résumer « qu’ISL puisse exister à côté de la FINA. »
« Finalement, ISL fit équipe avec la Fédération Italienne de Natation. Celle-ci avait précédemment travaillé avec le groupe Energy Standard, dont le président conduit ISL, à l’organisation des championnats juniors en 2017 et en avril 2018. La Fédération italienne donna son accord pour un événement fin décembre 2018 à Turin.
« En dépit de l’important travail d’organisation et des dépenses de ressources d’ISL et de la Fédération italienne de natation, et malgré le fait que des accords de participation furent obtenus avec 50 nageurs en provenance du monde entier, la FINA contraignit ses fédérations membres à participer à un effort ouvert de fermeture du Turin Event en menaçant les nageurs d’un bannissement de la FINA – ainsi des compétitions servant de qualifications aux Jeux olympiques de 2020. »
L’actuel responsable des opérations est Dan McAllen.