Singapour (3) : Xu Jiayu en dos majeur à la poursuite de lui-même

Eric Lahmy
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November 17th, 2018 Français

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Samedi 17 Novembre 2018

Savez-vous ce qu’est un xu ? Moi non plus, mais le dico Merriam-Webster me l’a confié. C’est une monnaie sud-vietnamienne, et qui valait un centième de dong. Le nom xu, vous en seriez-vous douté, venait du sou français, vu qu’à l’époque, la France, qu’on le veuille ou non, disposait d’un empire colonial…

Aujourd’hui, un Xu est tout à fait autre chose. En natation, ce n’est pas de l’argent, mais il évolue dans l’élément liquide, se positionnant toujours côté face. Bref Xu est un nageur de dos chinois très, très rapide.

Ce XU, qui se prénomme Jiayu, a failli améliorer à Singapour aujourd’hui son record du monde petit bassin des 100 mètres dos, établi trente-sept jours plus tôt à Tokyo. Ce jour-là, le Chinois avait effacé avec 48s88 le record du jeune Clément KOLESNIKOV, 48s99 (Copenhague, 15 décembre 2017). KOLESNIKOV avait établi là à la fois le record mondial junior et senior. XU, à 23 ans (il est né le 19 août 1995), en raccourcissant de onze centièmes de seconde la durée du parcours, avait rétabli une différence entre le record absolu et celui des jeunes.

À Singapour, quoiqu’il soit très difficile de présumer une intention à partir d’un temps de passage, on peut soupçonner que XU préméditait un grand coup (d’ailleurs, même si je pense pis que pendre de la FINA, elle paie les records du monde et XU, rien que pour cela, aurait eu tort de ne pas essayer).

Il n’est pas interdit de penser non plus qu’il essayait par la même occasion de se mettre à l’abri de Mitchell LARKIN, l’ex-champion du monde australien qu’il a régulièrement battu ces derniers temps, mais d’assez peu, et à qui la supériorité du Chinois ne convient sûrement pas. Entre eux, deux années de différence d’âge suffisent à faire de leurs affrontements une querelle de générations (avant qu’ils ne rencontrent KOLESNIKOV, né, lui, le 9 juillet 2000 !).

Toujours est-il que XU passait en 23s65, 0s11 plus vite qu’à Tokyo. Mais il finissait un peu moins vite. LARKIN, largué au deuxième virage, faisait plus que jeu égal ensuite, mais payait son retard initial et finissait à une brassée, 48s98 contre 49s38…

SARAH SJÖSTRÖM LES A TOUTES EUES À L’USURE

On ne saurait dire si Sarah SJÖSTRÖM a retrouvé une grande forme ou si ses adversaires sont encore plus cramées qu’elle par les incessants va-et-vient, décalages horaires, différents lits d’hôtels, et autres affûtages qu’exige d’eux le programme de la World Cup, toujours est-il qu’elle s’est payée deux victoires dans cette dernière journée, sur 100 papillon et sur 100 libre s’il vous plait, et que Ranomi KROMOWIDJOJO, cette fois, n’a pas existé en crawl, ayant été dépassée également par Femke HEEMSKERK, ce qui n’a pas dû lui arriver souvent en sprint. KROMOWIDJOJO n’a même pas cherché l’affrontement en papillon où elle s’est fait porter pâle. Les calculs qui fleurissaient sur les possibilités de remonter SJÖSTRÖM aux points, pour Katinka HOSSZU dans la Coupe, en seront pour leurs frais. Après le rapproché précédent, Katinka a vu à nouveau la « proie » lui échapper.

La Hongroise a bien gagné les 200 quatre nages, mais en est restée à ce résultat minimum pour une fille de son talent. Elle n’est plus à la place qu’elle pouvait revendiquer encore en 2016 de probable meilleure dossiste du monde – même si elle en reste une formidable exposante – et n’a pu rien faire contre les Australiennes de service, Emily SEEBOHM et Minna ATHERTON, en l’absence des deux vraies patronnes de la spécialité, Kathleen BAKER et Kylie MASSE.

Les deux ondines de Brisbane (elles s’entraînent ensemble) lui ont bel et bien faussé compagnie. ATHERTON se lança tellement vite qu’on aurait pu se demander si elle ne croyait pas disputer un 100 au lieu d’un 200 dos. Elle amassa une avance considérable de presqu’une longueur à mi-course, mais commença à payer sa témérité juste après le quatrième virage, et ne cessa de baisser de rythme. SEEBOHM n’eut plus qu’à la cueillir telle un fruit mur dans l’ultime longueur !

À part ça, quoi de notable ? Michael ANDREW, en 22s37 et 22s32, bat et rebat son record américain en petit bassin, et continue de construire sa jeune carrière de pur sprinteur, nous informent les amis de SwimSwam ; Anton CHUPKOV parvient à devancer Kiril PRIGODA, sur 200 brasse, ce qui n’était plus arrivé depuis des semaines. Mais on peut dire de ces deux-là qu’ils se tiennent par la barbichette !

C’est un peu partout ce même scénario, répétitif (sauf sans doute pour le public présent), ces duels que l’on retrouve d’une semaine ou d’un mois à l’autre, le côté ronron de la World Cup. Les organisateurs essaient de la renouveler, mais c’est la formule elle-même qui a quelque chose d’un défaut générique.

La seule World Cup qui pourrait tenir la route, à mon avis, est une World Cup qui s’organiserait autour d’une série de tournois de qualifications continentaux dans les cinq parties du monde, pour aboutir à une finale qui serait les championnats du monde annuels et en petit bassin. A ce moment, une gradation dans l’intérêt se construirait et se maintiendrait à travers les tournois, sans doute mieux qu’avec dix duels copiés-collés entre Sjöström et Kromowidjojo, ici, Pieroni et Chalmers là, Chose et Machin ailleurs, espacés d’une ou deux semaines ; et toutes les natations qui ne s’intéressent pas à la formule se sentiraient impliquées.

…Ou pas !

MESSIEURS

  • 200 mètres : 1. Blake PIERONI, USA, 1’41s15 ; 2. Kyle CHALMERS, Australie, 1’41s50 ; 3. Velimir STJEPANOVIC, Serbie, 1’43s32.
  • 100 dos : 1. XU Jiayu, Chine, 48s98 (23s65) ; 2. Mitchell LARKIN, Australie, 49s38
  • 200 brasse : 1. Anton CHUPKOV, Russie, 2’1s73 ; 2. Kiril PRIGODA, Russie, 2’1s85 ; 3. Hiromasa FUJIMORI, Japon, 2’3s45 ; 4. Ilya SHYMANOVICH, Biélorussie, 2’3s49 ; 5. Matthew WILSON, Australie, et Marco KOCH, Allemagne, 2’3s56
  • 50 papillon : 1. Vladimir MOROZOV, Russie, 22s17 ; 2. Michael ANDREW, USA, 22s32 ; 3. Joseph SCHOOLING, Singapour, 22s40; 4.Yauhen TSURKIN, Biélorussie, 22s61; 5. LI Zuhao, Chine, 22s74; 6. TEONG Tzen Wei, Singapour, 22s85.
  • 400 quatre nages : 1. WANG Shun, Chine, 3’59s99 ; 2. Hiromasa FUJIMORI, 4’3s54; 3. David VERRASZTO, Hongrie, 4’4s21

DAMES

  • 100 mètres : 1. Sarah SJÖSTRÖM, Suède, 51s13 ; 2. Femke HEEMSKERK, Suède, 51s29; 3. Ranomi KROMOWIDJOJO, 5156; 4. Pernille BLUM, Danemark, 52s04.
  • 800 mètres : Femke HEEMSKERK, Pays-Bas, 8’33s.
  • 200 dos : 1. Emily SEBOHM, Australie, 2’1s60 [28s86, 59s91, 1’31s13, 2’1s50, soit: 28s86, 30s05, 31s22, 30s37]; 2. Minna ATHERTON, Australie, 2’2s20 [27s96, 58s71, 1’30s46, 2’2s20, soit 27s96, 30s75, 31s75, 31s74]; 3. Katinka HOSSZU, Hongrie, 2’3s43; 4. Kira TOUSSAINT, Pays-Bas, 2’3s59.
  • 50 brasse : 1. Alia ATKINSON, Jamaïque, 28s93 ; 2. Yulia EFIMOVA, Russie, 30s25
  • 100 papillon : 1. Sarah SJÖSTRÖM, Suède, 55s73 (25s47 !) ; 2. Tayla LOVEMORE, Afrique du Sud, 56s95.
  • 200 quatre nages : 1. Katinka HOSSZU, Hongrie, 2’4s79 ; 2. Emily SEEBOHM, Australie, 2’6s95 ; 3. Siobhan O’CONNOR, 2’7s95.

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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