Nouvelles Galles du Sud : Cate Campbell toujours aussi monumentale

Eric Lahmy
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January 30th, 2018 Français

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Cate CAMPBELL, retour de sa saison sabbatique (agrémentée, on semble l’oublier, de plusieurs incartades nagées en Coupe du monde où elle a parfois tenu la dragée haute à Sarah SJÖSTRÖM) a été l’auteur des meilleures performances des championnats des Nouvelles Galles du Sud, voici une semaine. Cate a signé trois super bons temps, sur 50 et 100 libre, et aussi sur 50 papillon, une distance qui ne paraissait pas être une de ses spécialités jusqu’ici. Elle a aussi gagné le 200 libre, qu’elle n’aime manifestement pas (« c’est trop dur ») à la demande de son entraîneur Simon CUSACK. Le coach lui fit valoir qu’un bon 200 mètres constituerait une bonne base pour le 100 mètres.

Je ne sais si Cate avait besoin de cette base, le 100 s’étant disputé avant le 200, et s’étant conclu par un formidable 52s37, à seulement trois dixièmes de son record d’Australie et du Commonwealth, 52s06, et pas si loin non plus du fabuleux 51s71 de Sarah SJÖSTRÖM, le 21 juillet dernier !

S’il reste encore une seule fille à nager « joli » dans le gotha mondial, c’est bien l’aînée des CAMPBELL ! La femme a l’air plaisamment bâtie, mais ceux qui l’ont rencontrée m’affirment qu’il y a quelque chose de maladroit, d’emprunté, dans son allure, peut-être lié à sa taille, peut-être au fait que la demoiselle correspond un peu trop bien au portrait qu’on se fait du (de la) nageur (nageuse) type : épaules très larges, bras très longs, hanches très fines. Un être posé quelque part entre une perfection et une parodie, à équidistance de la femme et du poisson. Ce n’est pas la petite sirène d’Andersen, mais la grande sirène des Antipodes.

On laissera quand même à d’autres le soin de nous signaler si cette charmante personne est aimable à regarder, mais alors dans l’eau, laissez-moi partager ma conviction de n’avoir pas souvent vu un bipède trempé dans l’eau offrir un spectacle d’une telle élégance. Ses sprints et les cent cinquante premiers mètres de son 200 de Sydney (après, il lui a fallu de battre) laissent une impression d’œuvre d’art…

Longtemps, les Australiens, qui enseignaient une nage tout sur les bras, n’ont guère été exemplaires sur le plan du style ; quand j’ai commencé à m’intéresser à ce sport, dans les années 1960, les grands stylistes s’appelaient Alain GOTTVALLES ou Don SCHOLLANDER.

Certes, il y avait une Australienne dans le coup, Dawn FRASER, et quand je dis qu’elle nageait bien, ce n’était pas des paillettes et de la nat’ synchro’, mais de la glisse, une fausse lenteur et un sacré tirant d’eau : exploit inimitable, elle fut trois fois championne olympique du 100 mètres libre.

Après, je me souviens de Mark SPITZ, d’un certain Bruce FURNISS, champion olympique du 200 mètres, et bien entendu de ce fabuleux Ian THORPE. Entre-temps, il y eut aussi Tracy CAULKINS, mais si celle-ci donnait une impression de rêve aquatique, c’était dans les quatre nages, un peu comme, trente ans plus tard Camille MUFFAT.

Je vis la Niçoise pour la première fois dans ses œuvres à Rouen, où je me rendais chaque année dans le cadre de la bourse Guy Boissière, et j’eus tôt fait de l’agréger à mon Panthéon.

Je ne sais trop si cette façon de nager est une donnée personnelle ou apprise. Sans doute un peu les deux, car on ne peut nier le phénomène d’école.

Il n’en reste pas moins… Par exemple, la sœur cadette de Catherine, Bronte CAMPBELL, qui s’entraîne pourtant depuis toujours avec elle et sous le même entraîneur, n’a pas du tout le même style, avec un rythme, une fréquence de bras élevée, et quelque chose de moins huilé que son aînée dans, par exemple, sa façon de se tourner pour respirer ; mais aussi ses départs restent assez approximatifs, alors que Cate, dont le temps de réaction est plus lent, taille oblige, n’en est pas moins celle qui sort la première de ses coulées…

Il est possible que les grands nageurs soient auto-éduqués sur le plan du style. Marc BEGOTTI, qui avait observé le très jeune Michaël PHELPS en 2004, en avait conclu que sa façon de glisser dans l’eau pouvait tenir plus à quelque chose, chez lui, de totalement personnel et sui generis, qu’à un apprentissage. Les grands nageurs appartenant aux mêmes écoles présentent toujours certaines différences : SCHOLLANDER et SPITZ, formés par George HAINES, le plus grand entraîneur de tous les temps, étaient parfaits techniquement, mais tellement différents, SCHOLLANDER très haut (trop haut) sur l’eau, SPITZ au contraire très enfoncé, SCHOLLANDER se tournait assez peu pour respirer, SPITZ basculait largement. De la même façon, quand Bruce FURNISS et Tim SHAW, élèves de Bill JOCHUMS,  détenaient en même temps, l’un le record du monde du 200, l’autre du 400 et du 1500m, tous deux étaient des modèles de technique, mais ne pouvaient se confondre dans l’eau : SHAW était une machine de précision, FURNISS, lui, paraissait mesurer trois mètres de long tant il nageait en amplitude. Et qui pourra dire que POPOV et KLIM, dirigés par TOURETSKY, semblaient être sortis du même moule? Murray ROSE, formé certes par Sam HERFORD mais entraîné par l’un des coaches les moins techniques, Peter DALAND, ne cessait, tout seul, d’opérer des changements dans sa façon de nager, pendant la décennie où il resta le meilleur demi-fondeur du monde. Au bout de huit ans, il avait gagné une minute sur son premier record du monde du 1500m… Mais il fallait pour cela être le nageur le plus cérébral qu’on ait vu dans l’eau.

Il y aurait encore beaucoup de choses à signaler autour de ce sujet. Par exemple, les phénomènes de mimétisme. Fabrice PELLERIN aimait expliquer je crois qu’Yannick AGNEL avait beaucoup appris en observant Camille MUFFAT, et Romain BARNIER que Florent MANAUDOU avait pas mal piqué dans le style (ou le non style) de BOUSQUET). Difficile de dire quelle est la part de l’entraîneur (mais elle ne doit pas être mince). Du temps où je suivais les compétitions, je me vante peut-être, mais je pouvais deviner si tel nageur, telle ondine, était entraîné par Suzanne BERLIOUX, Lucien ZINS, Georges GARRET, Marc MENAUD. Pour tout dire, il y avait aussi des éléments dont je me demandais s’il n’avaient pas échappé au charcutier du coin.

L’arrivée de THORPE signala-t-elle que les Australiens, à force de nager en culs-de-jattes, étaient en train de perdre la bataille navale, et qu’il leur fallait réinstaller les jambes dans les éléments moteurs de la glisse aquatique ? Car ils étaient allés loin dans le refus du coup de pied, dont toute une école française s’est faite l’apologue : Forbes CARLILE, quand il vit une Shane GOULD de quatorze ans s’inscrire dans son club de natation, n’eut de cesse de réduire le rendement des membres inférieurs de la gamine, et d’abaisser sa cadence de quatre ou six à deux coups par cycle de bras.

Aujourd’hui, les adeptes vieux style australien existent encore, mais il me semble qu’en crawl, ils n’existent plus guère trop. Mackenzie HORTON est un bel exemple de l’efficace d’une nage complète, où les « moteurs » avant et arrière coopèrent en intelligence pour produire une grosse performance.

ELIJAH WINNINGTON, GRAND NOM DE DEMAIN ?

En octobre dernier, Taylor MCKEOWN, l’aînée d’une autre sororité de la natation que les CAMPBELL (avec sa sœur Kaylee MCKEOWN) a été impliquée dans une rencontre en jet-ski avec une baleine. Approcher à moins de cent mètres un de ces cétacés est interdit en Australie, où les espèces sauvages sont bien protégées, et la vidéo qu’elle a fièrement envoyée sur la toile a montré que MCKEOWN a carrément projeté son engin au-dessus de la baleine. Une enquête a donc été ouverte. C’est beau l’enthousiasme, mais le règlement, c’est le règlement.

Taylor ne s’est pas mieux sortie de sa rencontre sur 100 brasse avec Jessica HANSEN, qu’elle n’a jamais pu rattraper.

Pour ce qui concerne la petite sœur de Taylor, Kaylee, 16 ans, elle s’est plus que bien débrouillée, et gagné deux bonnes courses de dos, le 100 et le 200, ne laissant que le 50 à Minna ATHERTON.

Elijah WINNINGTON, 17 ans, pourrait être un des grands noms de demain. Il remporte 200 et 400, dans des temps il est vrai relativement modestes, devançant sur la plus longue distance le champion olympique et vice-recordman du monde, son compatriote, Mackenzie HORTON, de presque une longueur de corps. Son 200 mètres, assez lent, ne vaudrait pas d’être signalé s’il ne lui avait offert le scalp d’un autre géant, Cameron MCEVOY, à l’issue d’une course d’une irréprochable égalité d’allure. WINNINGTON le bien nommé a déjà tout : la force mentale de mener d’entrée, la capacité à conserver le train initial et un finish de sprinteur.

La natation australienne a aussi ses carences : pas un quatre nageur ou une quatre nageuse de valeur, et pas mal de faiblesses de ci et de là en-dehors de la nage libre qui est l’un e des toutes premières. Mais on en saura plus sur les capacités de « Dolphins » (nul  n’ignore que le Dolphin est le kangourou aquatique) après les sélections pour les Jeux du Commonwealth, au Gold Coast Aquatic de Southport, dans le Queensland, du 28 février au 3 mars prochain (soit cinq semaines avant les Jeux)…

Le champion olympique et du monde italien Gregorio PALTRINIERI, 3e du 400 et vainqueur du 1500 en 15’13s, achèvera son séjour australien début mars, et devrait disputer le meeting d’eau libre de Doha (première étape de la Coupe du monde 2018) le 17 mars prochain.

MESSIEURS

  • 50 libre : 1. James ROBERTS, SOMGC, 22s04.
  • 100 libre : 1. Cameron MCEVOY, Bond U, 48s99; 2. James MAGNUSSEN, 49s11; 3. James ROBERTS, SOMGC, 49s24.
  • 200 libre : 1. Elijah WINNINGTON, Bond U, 1’48s59.
  • 400 libre : 1. Elijah WINNINGTON, Bon U, 3’49s96; 2. Mackenzie HORTON, Melbourne, 3’50s93 (en série, 3’50s88); 3. Gregorio PALTRINIERI, Italie, Melbourne, 3’51s04; 4. Jack MCLOUGHLIN, Chandler, 3’51s52.
  • 1500 libre : 1. Gregorio PALTRINIERI, Italie, 15’13s.
  • 100 dos : 1. Benjamin TREFFERS, SOMG, 54s61.
  • 50 brasse : 1. Jake PACKARD, USC Spartan, 27s88.
  • 100 brasse : 1. JaekWon MOON, Corée, 1’0s49 ; 2. Jake PACKARD, USC Spartan, 1’0s64 (en série, 1’0s11); 3. Liam HUNTER, Chandler, 1’1s10.
  • 200 brasse : 1. Matthew WILSON, SOSC, 2’11s57; 2. Ikuma OSAKI, Japon, 2’11s71; 3. Stubblety COOK, WBAC, 2’12s03; 4. Ippei MIYAMOTO, Japon, 2’13s34
  • 50 papillon : 1. William YANG, 23s76.
  • 200 papillon : 1. Yuya SAKAMOTO, Japon, 1’58s05.

DAMES

  • 50 libre : 1. Cate CAMPBELL, Chandler, Brisbane, 24s15; 2. Bronte CAMPBELL, Chandler, Brisbane, 24s71.
  • 100 libre : 1. Cate CAMPBELL, Chandler, Brisbane, 52s37 ; 2. Bronte CAMPBELL, Chandler, Brisbane, 53s81; 3. Emma MCKEON, GUSC, 53s98; 4. Shayna JACK, Chandler, 54s61; 5. Madison WILSON, Bond U., 54s84 (en série, 54s65).
  • 200 libre : 1. Cate CAMPBELL, Chandler, Brisbane, 1’58s86; 2. Madison WILSON, Bond U., 1’58s95; 3. Mikkayla SHERIDAN, SPRTN, 1’58s98; 4. Sian WHITTAKER, Melbourne Vicentre, et Gemma COONEY, Brisbane Grammar, 1’59s37.
  • 400 libre : 1. Jessica ASHWOOD, Chandler, Brisbane, 4’8s94; 2. Leah NEALE, USC Sprint, 4’10s59.
  • 800 libre : 1. Jessica ASHWOOD, Chandler, 8’28s73.
  • 50 dos : 1. Minna ATHERTON, 17 ans, Brisbane Grammar, 28s27; 2. Hayley BAKER, Melbourne Vicentre, 28s39.
  • 100 dos : 1. Kaylee MCKEOWN, 16 ans, SPRTN, 59s67; 2. Hayley BAKER, Melbourne Vicentre, 1’0s27; 3. Minna ATHERTON, 17 ans, Brisbane Grammar, 1’0s69; 4. Sian WHITTAKER, Melbourne Vicentre, 1’0s76; 5. Madison WILSON, Bond U, 1’1s43 (en série, 1’1s13)… 10. Olivia LEFOE, Melbourne Vicentre, 1’4s79.
  • 200 dos : 1. Kaylee MCKEOWN, 16 ans, SPRTN, 2’8s57; 2. Sian WHITTAKER, Melbourne Vicentre, 2’9s76.
  • 50 brasse : 1. Jessica HANSEN, Nunawading, 30s85.
  • 100 brasse : 1. Jessica HANSEN, Nunawading, 1’7s19; 1. Taylor MCKEOWN, USC Spartans, 1’7s80.
  • 200 brasse : 1. Taylor MCKEOWN, USC Spartans, 2’25s31.
  • 50 papillon : 1. Cate CAMPBELL, Chandler, 25s68.
  • 100 papillon : 1. Emma MCKEON, GUSC, 57s59; 2. Seheyon AN, Corée, 58s17.
  • 200 papillon : 1. Laura TAYLOR, Main Beach, Southport School, 2’8s11; 2. Emma MCKEON, GUSC, 2’8s32.
  • 400 4 nages : 1. Barbora ZAVADOVA , Tchéque, 4’42s58.

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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