Metella oublie de partir, Dotto oublie de revenir, et Miressi devient champion d’Europe du 100

Eric Lahmy
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August 05th, 2018 Français

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Championnats d’Europe de natation 2018

Dimanche 5 Août 2018

Parce que Damien JOLY se trouvait à la ligne 4, on pouvait fantasmer un peu, mais le Français ne put faire illusion dans cette finale du 1500 mètres nage libre messieurs des championnats d’Europe de Glasgow ! Il n’était en rien favori, d’ailleurs, s’il en fallait désigner un, c’eut été Mykhaylo ROMANCHUK, à la 5, déjà vainqueur sur 400 et qui pouvait réaliser le doublé du demi-fond ; Gregorio PALTRINIERI, entre 2014 et 2016, avait été l’homme de fer du 1500 mètres ; il manque diablement de vitesse, mais cette carence ne l’avait pas empêché de devenir champion d’Europe (2014), du monde (’15) et olympique (’16) ! Cela dit, même s’il avait réussi à devancer ROMANCHUK pour un 2e succès aux mondiaux 2017, à Budapest, il apparaissait un peu moins souverain.

On ne pouvait pas écarter non plus le benjamin de la finale (il fêtera ses 21 ans le 19 août), l’Allemand Florian WELLBROCK, qui avait, en avril dernier au Swim Open de Stockholm, effacé un très vieux record national dans le temps de 14’40s69 et laissé ROMANCHUK, présent dans la course, dix secondes derrière lui.

L’anecdote, car il y avait une anecdote, c’était que le record qu’il avait battu avait été détenu pendant 27 ans, depuis janvier 1991, soit six ans avant sa naissance, par un certain Jorg HOFFMANN. Ce dernier, un colosse de près de 100 kg pour 1,98m, qui avait débuté sa carrière dans la très peu regrettée Allemagne de l’Est, avait réussi ce temps avec 14’50s36 en finale des championnats du monde, à Perth, en Australie, où, à l’issue d’un mano a mano de chaque seconde, il avait défait le tenant du record, Kieren PERKINS, de… 0s22 !

Mais pour ce qui est d’aujourd’hui, l’info, c’était que WELLBROCK, avec ce record, s’était installé en tête du bilan mondial 2018 sur 1500 mètres, où il se présentait comme un redoutable prétendant.

PALTRINIERI, parce qu’il n’a pas de vitesse de base ou si peu, ne connait depuis toujours qu’une stratégie pour l’emporter : partir le plus vite possible afin d’écœurer les adversaires grâce à ses phénoménales capacités aérobies. Il s’agit moins d’une stratégie, d’ailleurs, que d’une obligation vitale. S’il n’a pas massacré les capacités de ses adversaires avant les trois-quarts d’épreuve ou s’il ne les a pas scié au mental par un comportement qui leur fait penser qu’ils n’y arriveront pas, c’est lui-même qui deviendra fragile et se fera hacher menu à l’emballage final.

Cette méthode paraitra aujourd’hui typiquement et exclusivement paltrinieresque, mais on connait des précédents à travers l’histoire séculaire du sport. En 1952, Shiro HASHIZUME la tenta en vain contre Ford KONNO aux Jeux d’Helsinki. Mike BURTON enleva deux titres olympiques, en 1968 et en 1972, en partant comme une fusée. Et Stephen HOLLAND, dont l’endurance pure était l’arme maîtresse, perdit le titre olympique de 1976 pour n’avoir pas utilisé d’emblée une stratégie de batteur d’estrade en face du redoutable finisseur qu’était Brian GOODELL !

Hier, PALTRINIERI n’oublia pas de secouer le peloton. Mais de sa nage courte, jambes trainantes effectuant un vague « deux temps » pendant que ses bras tournaient à un rythme fou, il ne put conserver la tête plus de six cent cinquante mètres, jusqu’au moment où WELLBROCK vira… deux centièmes… devant lui. L’Italien put repasser devant cent mètres plus loin, mais WELLBROCK et ROMANCHUK, également présent, complotaient un scénario différent, où l’Italien disparaissait et eux seuls devaient s’expliquer en présentant des atouts différents. ROMANCHUK devait se sentir usé par le train qu’assurait l’Allemand – et peut-être rassuré parce que, couronné champion d’Europe du 400 trois jours plus tôt, il songeait pouvoir faire prévaloir sa carte maîtresse.

Mais si WELLBROCK n’avait pas été engagé sur 400, rien ne dit qu’il n’aurait pu y réussir quelque chose.

Toujours est-il qu’à quatre cent mètres du but, WELLBROCK avait une seconde d’avance sur l’Ukrainien (10’45s47 contre 10’46s54). A l’arrivée, il touchait devant, 14’36s15 contre 14’36s88.

Les deux hommes avaient terminé leur effort par un 400 mètres en 3’50s68 pour le vainqueur et 3’50s34 pour son second. Dans ces huit dernières longueurs, ils prirent cinq secondes à l’Italien (14’42s85) qui avait pourtant, plus ou moins, conservé sa vitesse.

Un 2e Italien, Domenico ACERENZA, suivait en 14’51s88, tandis que Damien JOLY, encore placé en 4e position aux 800 mètres, ne put maintenir son rythme comme l’indiquent ses deux moitiés de course en 7’52s77 et 8’5s05…

SUR 100 METRES, LE PATRON S’APPELLE ALESSANDRO MIRESSI

Si l’on ne savait ce que pouvait faire JOLY sur 1500 mètres, en revanche, une certaine « responsabilité » incombait à Mehdy METELLA sur 100 mètres. Mehdy avait réalisé la deuxième performance des demi-finales et nageait dans une des deux lignes centrales aux côtés de l’Italien Alessandro MIRESSI, favori logique encore que la surprise pouvait venir de n’importe qui. Bien sûr, on pensait aussi à Duncan SCOTT, qui nage dans ses eaux britanniques. Ou encore à Nandor NEMETH, benjamin de la finale à 18 ans, 8 mois et 17 jours.

La problématique du 100 mètres, épreuve de sprint prolongé qui exige un maximum d’accélération, pas mal de technique et une pincée de résistance, est très différente de celle du 1500 mètres où une formidable résistance aérobie est essentielle.

METELLA pourrait lui aussi passer pour favori. Les confrères italiens craignaient sa menace. Mehdy est un « vieux renard » qui sait gérer une course psychiquement en face d’un jeune sans expérience comme MIRESSI, expliquaient-ils. Le Français est médaillé des mondiaux de Budapest, ce qui pour certains lui confère un avantage. Mais je n’y crois plus. J’appelle cela « regarder l’avenir dans le rétroviseur. » C’est devant soi que se situe le chemin.

MEHDY METELLA OUBLIE DE PARTIR MAIS REVIENT TRES FORT

L’inattendu de cette finale, c’est peut-être le départ canon du 2e Italien, Luca DOTTO. Il a l’habitude de se lancer comme une Ferrari, quitte à finir comme un tracteur, Luca, et toutes les expériences négatives accumulées à travers les années ne lui servent pas de leçon. Question de tempérament. Et puis il en a gagné quelques unes de cette façon. On l’a oublié, mais il est le champion d’Europe sortant. Le tenant du titre. A Londres, en 2016, et en 48s25.

Dans la première longueur, ce n’est plus DOTTO, mais d’Avion ! A la culbute, cela donne 22s71. A vue de nez, MIRESSI est à un mètre, SCOTT à 1,30m, METELLA à 1,60m. Le Français passe en dernière position, et si je ne m’arrache pas les cheveux (ce sont les derniers qui me restent) ce n’est pas l’envie qui manque ! Aux 80, DOTTO est toujours là, mais le voilà qui replie les ailes ! Et les trois furies susnommées qui le passent. MIRESSI gagne nettement, en 48s01, et entre SCOTT et METELLA, lequel a remonté tout le monde et passé cinq nageurs dans un retour de maboul, l’œil ne distingue pas. L’Ecossais l’emporte d’un centième. 3e à Budapest, 3e à Glasgow, que dire de METELLA???

DEUX HONGROIS SUR 200 PAPILLON… ET DES ITALIENS UN PEU PARTOUT

Sur 200 papillon, deux Hongrois ont assis leur domination. Kristof MILAK, la jeune merveille magyare, l’emporte en 1’52s79, et son compatriote Tamas KENDERESI, le suit à distance respectueuse, en 1’54s36. MILAK a tout raflé, il est déjà recordman d’Europe avec 1’52s70, recordman du monde junior avec 1’52s71, seul le nargue encore le record du monde de sa majesté Michael PHELPS, 1’51s51. Troisième, Federico BURDISSO, 16 ans 10 mois et 15 jours, sera peut-être bientôt un adversaire à la mesure du vainqueur du jour, parce qu’il réussit des performances confondantes. Ce fort sympathique jeune homme a amélioré lors des Sette Colli le record Italie cadet et junior du 100 papillon avec 51s74. Physiquement il n’a rien d’extraordinaire et il est encore perfectible, me dit-on, dans les parties techniques, départs et virages, de la course. Attendons…

Julia EFIMOVA a gagné comme on l’attendait le 100 brasse. Ruta MEILUTYTE a fait 2e, ce qui est un progrès par rapport à ses résultats des deux dernières années. La championne olympique de Londres part toujours aussi vite et finit aussi lentement, elle ferait un beau couple avec Luca DOTTO. Pour le bronze, encore une Italienne, ils sont partout les Transalpins. Arianna CASTIGLIONE devance son aînée de neuf ans, l’Espagnole Jessica VAL MONTERO !

LE 200 VA SE JOUER ENTRE BONNET ET HEEMSKERK

En demi du 200 libre, Charlotte BONNET ne s’est pas trop employée pour gagner la première, tandis que Femke HEEMSKERK enlevait la 2e. A priori, la finale devrait se jouer entre la Française et la plus Française des nageuses néerlandaises (avec Sharon VAN ROUWENDAAL).

Dans la première demi-finale du 100 dos, Kliment KOLESNIKOV a battu de deux centièmes ses records d’Europe et du monde juniors : 52s95. Il devance le Roumain Robert GLINTA, 53s63. La 2e demi revient à Evgueny RYLOV en 53s20.

Béryl GASTALDELLO, en finale du 50 dos, a terminé 5e avec 28s10. La course a été gagnée par Georgia DAVIES, Grande-Bretagne, 27 ans, en 27s23, devant Anastasiia FESIKOVA, Russie, 28 ans, 27s31.

LE RELAIS QUATRE FOIS 200 ? RULE BRITANNIA

James GUY ayant déclaré forfait en finale du 200 papillon après s’être qualifié 6e (séries, 1’56s13) puis 4e (demi-finales, 1’56s06), on se posait des questions. Il en avait fait de même aux Commonwealth, officiellement pour déshydratation. Cette fois, la meilleure raison d’une absence dans une course où il pouvait enlever une médaille était le relais quatre fois 200 mètres. Les Britanniques s’étaient fait piéger une première fois, ayant engagé des remplaçants pour qualifier leur quatre fois 100 mètres, et mis au repos Benjamin PROUD et Duncan SCOTT, et ils ont réussi l’exploit de ne pas aller en finale.

Sur quatre fois deux, en revanche, les Britanniques sont champions du monde, à Budapest. Sans Duncan SCOTT ni James GUY, leur relais se qualifie facile.

La finale a été féroce. Les Russes jusqu’au bout et les Italiens jusqu’aux 600 mètres étaient dans le coup pour le titre. Finalement, les British ont eu gain de cause. Leur temps final, 7’5s32, est éloigné des grands records. Pour la Russie, Michal VEKODVISHCHEV passe devant tout le monde, 1’46s78. Mais Duncan SCOTT prend l’avantage en 1’45s48, et James GUY, en 1’45s60, conforte la victoire. Les autres meilleurs temps lancés sont signés Filippo MEGLI, Italie, 1’45s44, et Mikhail DOVGALYUK, Russie, 1’46s18.

Le quatuor français finit 6e en 7’13s12, avec Jordan POTHAIN, 1’48s94, Alexandre DERACHE, 1’48s32, Roman FUCHS, 1’47s88, et Jonathan ATSU, 1’47s98. En séries, Lorys BOURRELLY avait nagé 1’49s17.

 

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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