Jeux Asiatiques jour 2 : les ors de Rikako Ikee, ou un plus deux font trois

Eric Lahmy
by Eric Lahmy 0

August 21st, 2018 Français

Jeux Asiatiques 2018

Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.

Lundi 20 Août 2018

Rikako IKEE avait de quoi s’occuper, à Djakarta, dans la piscine (dédiée à l’ancien président Soekarno) où se déroulent les courses de natation des Jeux asiatiques. Elle devait devancer les Chinoises d’abord sur 50 papillon, ensuite sur 100 libre, et s’est parfaitement accomplie de sa tâche. Après l’or du relais quatre fois 100m, la voici qui triple la mise…

Pour la jeune Japonaise, au 100 libre, l’affaire ne fut pas aisée. Les Chinoises ont dominé l’épreuve, grâce il est vrai grâce à une adjonction qu’elles se permettaient, de poudre de perlinpinpin. La poudre ayant été confisquée, les Chinoises ont perdu de leur superbe, mais demeurent parmi les meilleures ondines au monde.

Aux 50 mètres, la championne chinoise, ZHU Menghui, devançait IKEE de presqu’un mètre. Je ne sais trop, bien sûr, ce qui se passait dans la tête de la Chinoise, mais partir très vite et secouer le plus possible, d’entrée, une nageuse qui vient de sortir d’une course, même sur 50 mètres, en tablant sur sa plus grande fatigabilité, me parait représenter une option stratégique assez bien pensée.

ZHU a-t-elle envisagé une telle approche, ou obéissait-elle à l’impératif catégorique qui semble être inscrit dans son patronyme (allez, zou !), elle faillit réussir.

MAITRESSE DU CENT METRES, RIKAKO IKEE SE JOUE DE ZHU MENGHUI

Cependant, IKEE, laquelle n’est pas seulement talentueuse, mais également une fille très solide, sait, malgré son jeune âge, équilibrer en vieille routière, ses courses à la perfection, et si fatiguée par son 50 mètres papillon, elle n’en laissa rien voir ; elle refit tout le retard dans une seconde moitié de course d’anthologie, et gagna, pour faire bonne mesure, avec une coudée d’avance.

Côté garçons, on a retrouvé sur 800 mètres un SUN Yang capable de finir en bolide. Il s’est contenté de suivre le rythme, en avant de la course, imprimé par le Japonais Shogo TAKEDA, puis de se porter en tête, enfin de donner de fortes accélérations pour finir. Son dernier 100 mètres, impressionnant, en 54s72, n’est pas très éloigné du dernier 100 de son 200m en 53s47 ! Il nous a fait le coup, aux Jeux olympiques de Londres…

Comme on peut l’imaginer, une telle accélération est facilitée par le fait que SUN Yang n’a pas d’adversaires à sa mesure, capables de le soumettre à un train élevé. Son temps final n’a rien d’extraordinaire et ne démontre pas que SUN a trouvé sa plus grande forme.

Troisième de la course, le Vietnamien Huy Hoang NGUYEN, 17 ans, dont la biographie explique qu’il commença à nager (à trois ans) pour « aider sa famille à attraper des poissons ». Ces derniers temps, il s’entraînait à raison de 20 kilomètres par jour. Ce garçon ambitionne de grosses prises !

HAGINO MECONNAISSABLE ET SETO EJECTE DU PODIUM

J’imagine que les Japonais ont dû s’étonner de voir leur superstar Kosuke HAGINO se faire devancer sur 200 mètres quatre nages, et sa doublure Daya SETO être éjecté du podium par le deuxième Chinois de service. Mais les deux cracks de l’éclectisme aquatique japonais ne commencent-ils pas à vieillir ? Quant à leurs adversaires, ils ne leur sont pas inconnus. Au mondial de Budapest, il y a juste un an, HAGINO aux taquets arracha l’argent en 1’56s01 devant WANG Shun, 1’56s28, tandis que SETO arrachait la 5e place au détriment de QIN Hayang, 1’56s97 contre 1’57s06.

QIN améliorait alors le record mondial junior reconnu.

A Djakarta, il y a eu seulement une superposition des places. Ce fut un combat incertain. WANG, le futur vainqueur, était 3e après le papillon, 2e après le dos, seulement 4e et viré du podium à l’issue de la brasse mais finit en formidable crawleur, 27s61.

En fait, HAGINO donna, presque tout du long, l’impression qu’il allait l’emporter. Mais s’il virait en tête aux 150, il ne put faire honneur à sa réputation de nageur superlatif de 200 mètres libre (assez écornée, il est vrai, depuis sa septième place sur la distance aux Jeux olympiques de Rio)…

Il est très difficile de dire comment un nageur équilibre sa course dans les quatre nages, car chacun a ses points forts et ses points faibles techniques, et par exemple un 50 brasse en 34 secondes constituera pour l’un un effort excessif, pour l’autre un rythme prudent… Mais on peu croire qu’HAGINO était assez cuit, voire cramé sur les bords, dans son parcours de libre, où il concéda une seconde à un crawleur de valeur inférieure. HAGINO fut débordé par WANG, avec ses 28s69 en crawl, et inférieur à SETO dans un domaine où, pourtant, il le surpasse d’habitude largement.

Je ne sais si la notation qui suit est pertinente, mais je note que les Japonais sont dominés en termes de gabarit. HAGINO, avec son 1,77m, serait d’une belle taille parmi les nageuses, mais parmi les hommes, il est pour ainsi dire surplombé, et SETO est si j’ose m’exprimer encore plus quelconque avec son 1,74m. Les Japonais ont toujours dû faire avec un net déficit de taille dans un sport friand de hautes statures, et su compenser par une technique supérieure, mais il est difficile d’admettre qu’ils n’en restent pas moins handicapés. Mon professeur de géographie du lycée Carnot, à Tunis, avait expliqué (vers 1960) que les Chinois du Nord étaient grands. Ils l’ont montré en présentant quelques basketteurs proprement gigantesques. La natation démontre que là aussi, ils n’ont pas perdu le nord. WANG mesure 1,92m, QIN 1,91m.

LES NIPPONS ARRACHENT LA COURSE DES NATIONS

Gabarit ou pas, la merveilleuse Kaneto WATANABE a sauvé la mise japonaise en projetant ses cent soixante-sept centimètres en tête du 200 mètres brasse. D’ailleurs, qu’on se le dise, elle a gagné trois centimètres depuis son titre mondial sur la distance (et l’argent du 200 mètres quatre nages), acquis à Kazan en 2015 (si l’on doit faire foi à sa bio officielle).

Son temps à Djakarta n’est pas sensationnel, 2’23s05 contre 2’21s15 à Kazan en 2015. Mais ce fut superbement joué. Kanako se maintint en 3e position jusqu’aux 150 mètres, puis ramassa la mise dans la dernière longueur.

Le relais quatre fois 200 mètres messieurs a fait l’objet d’un duel serré, dont les Japonais sont sortis vainqueurs. Le système de chronométrage n’ayant pas permis de publier les passages des nageurs (seulement leurs 100 premiers mètres, je me réfère ici aux temps donnés par Swimming World : pour les Japonais, Naito Ehara (1’47s31), Reo Sakata (1’46s51), Kosuke Hagino (1’46s50), et Matsumoto (1’44s85). Pour les Chinois, Ji Xinjie (1’47s58), Shang Keyuan (1’47s15), Wang Shun (1’46s53) et Sun Yang (1’44s19).

On ne peut qu’être frappé par la forme décidément assez vacillante d’HAGINO, qui nage en 3e position, tandis que MATSUMOTO tente d’étouffer SUN par un départ très rapide. Il s’élance avec 0s94 d’avance sur le champion olympique et du monde, mais il sait qu’il ne doit pas attendre un nageur réputé pour son finish. MATSUMOTO passe en 50s14 et SUN, qui a parcouru les cent premiers mètres de son relais sans chercher à le poursuivre, en 51s65, se trouve alors deux secondes et demie derrière. SUN accélère, exécute la seconde moitié de course en 52s64, près d’une seconde plus vite que dans son 200 individuel… MATSUMOTO, de son côté, ne peut maintenir le rythme qu’il s’est imposé, mais il finira devant. Les Japonais précèdent les Chinois, en 7’5s15 contre 7’5s47, et améliorent leur record des Jeux asiatiques, 7’6s74 en 2014. Leur temps les situe en 3e place cette année derrière les USA, 7’4s36, et l’Australie, 7’4s70, et devant la Grande-Bretagne, 4e, 7’5s30. Les Chinois viennent derrière avec leurs 7’5s45, et précèdent la Russie, 6e, 7’6s66, et l’Italie, 7e, 7’7s58.

Pour Singapour, les deux premiers relais effectués par ZHENG Qua, 1’48s31, et Joseph SCHOOLING, 1’46s66, ont permis presque de faire jeu égal avec les ténors de l’épreuve, puis de résister à la remontée des Coréens.

MESSIEURS.- 800 libre : 1. SUN Yang, Chine, 7’48s36 (57s, 1’57s03, 2’57s10, 3’57s10, 4’56s50,5’54s88, 6’53s64, soit 57s, 1’0s10, 1’, 59s40, 58s38, 58s76, 54s72); 2. Shogo TAKEDA, Japon, 7’53s01; 3. Huy Hoang NGUYEN, Vietnam, 7’54s32.

50 dos : 1. XU Jiayu, 24s75; 2. Ryosuke IRIE, Japon, 24s88; 3. Jiseok KANG, Corée, 25s17; 4. WANG Peng, Chine, 25s28; 5. I Gede Suman SUDARTAWA, Indonésie, 25s29.

200 4 nages : 1. WANG Shun, Chine, 1’56s52 ; 2. Kosuke HAGINO, Japon, 1’56s75; 3. QIN Haiyang, Chine, 1’57s09; 4. Daya SETO, Japon, 1’57s13.

WANG Shun, 25s03, 54s65, 1’28s91, 1’56s52

Kosuke HAGINO 24s93, 54s15, 1’28s06, 1’56s75

Relais 4 fois 200 mètres: 1. Japon, 7’5s17; 2. Chine, 7’5s45 ; 3. Singapour, 7’14s15 ; 4. Corée, 7’15s26.

DAMES.- 100 libre : 1. Rikako IKEE, Japon, 53s27 (26s) ; 2. ZHU Menghui, Chine, 53s56 (25s49); 3. YANG Junxuan, Chine, 54s17; 4. Tomomi AOKI, Japon, 54s58.

200 brasse : 1. Kanako WATANABE, Japon, 2’23s05

WATANABE, 32s72, 1’9s31 (36s59), 1’46s08 (36s77), 2’23s05 (36s97).

YU Jingyao, 32s17, 1’8s33 (36s16), 1’45s35 (37s02), 2’23s31 (37s96)

Reona AOKI, 32s03, 1’8s47 (36s44), 1’45s73 (37s26), 2’23s33 (37s60)

50 papillon : 1. Rikako IKEE, Japon, 25s55 ; 2. WANG Yichun, Chine, 26s03; 3. LIN Xintong, Chine, 26s39.

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About Eric Lahmy

Eric Lahmy

Né à Tunis en Tunisie le 1er juin 1944, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Nageur, il a été champion de Tunisie du 200 mètres brasse en 1964. Il a ensuite été journaliste à L’Equipe entre 1969 et 2011, il a effectué de multiples collaborations, dont …

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