Maintenant que l’eau libre (à laquelle s’est ajouté un couple de plongeurs) a sauvé la mise de la délégation française en se hissant au premier niveau mondial et en ramenant 4 des sept médailles d’or mises en jeu, une d’argent et une de bronze, les disciplines de bassin vont pouvoir se dérouler en toute tranquillité, sans aucune obligation de médaille, dans l’espoir de faire de leur mieux, d’arracher si possible des finales et de s’introduire dans un maximum de demis.

Comme on n‘attend plus rien ou pas grand’ chose (en termes de succès, il s’entend) d’une équipe qui, purgée de ses anciens, essentiellement de Florent MANAUDOU et de son relais quatre fois 100 mètres, est sans doute la plus faible depuis des temps immémoriaux (disons depuis 2000), on se donnera le droit, en fin de semaine, de ne pas feindre l’étonnement, de ne pas hurler au scandale, et de ne pas (pas trop) pleurer sur le bon temps des Laure et Florent MANAUDOU, d’Alain BERNARD, de Yannick AGNEL, de Camille MUFFAT, de Jeremy STRAVIUS et autre Camille LACOURT, et de ces beaux relais qu’une génération nous a apportés : la page est bien tournée…

Même si les deux derniers nommés tentent de nous faire croire qu’ils sont toujours là. Ils n’occupent plus qu’un strapontin, celui du 50 mètres dos, course où ils se sont bel et bien qualifiés et vont pouvoir continuer un dialogue dont l’épisode majeur se déroula en 2011, quand tous deux enlevèrent ex-aequo, à Shanghai, l’or mondial du 100 mètres dos.

Ce qu’on trouve de « mieux disant » dans l’équipe 2017 de Budapest, c’est Mehdy METELLA et peut-être Charlotte BONNET !

On pourra surtout se désoler de l’absence du relais quatre fois 100 mètres, mais il n’avait pas réussi les temps décidés par Jacques FAVRE et respectés à juste titre par Laurent GUIVARC’H. La France n’a pu présenter aucun relais à Budapest, au grand dam de tous les entraîneurs intéressés qui ont assiégé la Fédération du tir nourri d’arguments d’ailleurs solides pour sa défense. Je ne crois pas que ces relais (il n’y avait pas, en jeu, que le quatre fois 100 mètres) eussent été déplacés dans les eaux de la capitale hongroise. Mais ne pas les emmener, c’était revenir à ce souci de la règle et de la parole donnée qui avait tant manqué lors des choix précédant les Jeux olympiques de Rio de Janeiro…

AFFUTAGE RATÉ ET DOUBLE AFFUTAGE RÉUSSI : CEST QUOI LEUR TRUC ?

Les championnats du monde de Budapest ne vont pas se dérouler en l’absence des Français. Mais en-dehors de ceux qui ont clos leurs carrières, on note quelques sorties de route malencontreuses chez nos concitoyens. Des gens qu’on attendait le long des rives du Danube. On pensait bien que Jordan POTHAIN et Damien JOLY, les finalistes olympiques de la (relativement) nouvelle équipe de France allaient profiter de ces championnats pour « marquer leur territoire », celui-ci sur 1500 mètres, celui-là sur 400 mètres, mais les championnats de France leur ont été néfastes et ils sont restés au pays. Ils pourront prendre leur revanche s’ils le veulent avec l’importante délégation française qui disputera dans quelques semaines les championnats des USA.

Leurs mésaventures, et une sortie de route collective des nageurs de Mathieu BURBAN, au Cercle des Nageurs de Marseille, ont montré que la gestion de la forme et que la science de l’affutage ne sont pas choses dont il faut se gausser. On en connait aujourd’hui un rayon sur la façon d’approcher la compétition et d’assurer une condition des plus affutées. Les entraîneurs de POTHAIN et du Cercle ont pris certains risques, qui n’ont pas été payants. Le cas POTHAIN parait assez complexe. D’après ce que je me suis laissé dire, le nageur du Nautic Club Alp’38, après les Jeux olympiques, devait entrer dans une formation paramédicale (kinésithérapeute) et était décidé de ne pas s’accorder de facilités dans ce domaine. D’un autre côté, son entraîneur, Guy LA ROCCA, fidèle à une ambition tracée de loin, ne l’a pas épargné (d’ailleurs, en demi-fond, la marge est faible, en termes de kilométrage et d’intensité, le 400 mètres est par définition, la course où il faut nager vite et longtemps et prendre de gros risques entre l’effort aérobie et celui anaérobie : on se met facilement dans le rouge). A l’arrivée, quelque chose a paru manquer et autant avant l’échéance strasbourgeoise que pendant les championnats de France, POTHAIN s’est retrouvé en-dessous de ses ambitions et, plus ennuyeux car définitif, des minima à atteindre…

La mésaventure des Marseillais est, il me semble, plus répréhensible. BURBAN a joué avec les normes, désormais bien définies, qu’il convient de respecter retour d’un stage en altitude. Au lieu de revenir au niveau de la mer et de ralentir dans le laps de temps imparti par les montagnes d’études physiologiques précises étalonnées par un demi-siècle d’expériences de l’entraînement en altitude et à l’altitude, il a choisi de retarder la phase d’affutage. A l’arrivée, ses nageurs sont restés sur le carreau, à l’instar de Clément MIGNON. BURBAN avait tenté ce coup sur deux informations : les Japonais et les Espagnols (Fred VERGNOUX), en effet, ne respectaient pas les chartes et retardaient l’affutage. Mais il semble que cette façon de procéder, qui permet d’accumuler plus kilomètres parcourus à l’entraînement, soit possible pour les nageurs très longuement habitués au travail en altitude, ce qui était le cas des Japonais et des Espagnols, mais pas les Marseillais.

Il est donc démontré une fois de plus qu’on ne peut trop jouer avec l’affutage, et qu’un nageur fatigué est rarement efficace. On va voir à Budapest une équipe tenter une aventure autrement difficile, celle du « double affutage » (double taper), et c’est l’équipe américaine. Les USA ont conduit ce double affutage avec une réelle maestria l’année de Rio de Janeiro, comme l’a démontré leur triomphe olympique. Ils ont recommencé en 2017, et disputé leurs « trials » du 27 juin au 1er juillet à Indianapolis, trois semaines avant les courses en bassin de Budapest, où on suivra avec attention leur comportement !

Les Américains ont produit une émule : l’Australie, qui a décidé des sélections très rapprochées de l’épreuve majeure en 2018, pour les Jeux du Commonwealth. Les techniciens australiens ont rencontré les Américains afin d’en apprendre le maximum en vue de bien négocier cette méthode. En effet, pour des raisons historiques liées à la géographie, leurs trials ont toujours été très précoces, jusqu’à six ou sept mois avant les Jeux olympiques. Leur problème n’a jamais été le double affutage, mais bien plutôt de savoir comment retrouver la forme entre l’été austral et l’été boréal.

Le double affutage a été imposé aux Américains par le fonctionnement de leur sport, où dominent, l’hiver, les natations scolaire et universitaire. Le respect de la saison hivernale les a amenés à privilégier une sélection tardive de leur équipe nationale pour les événements de l’été. Et ce qui a souvent paru injouable à bien des entraîneurs de chez nous a été pratiqué régulièrement, souvent avec bonheur, de l’autre côté de l’océan Atlantique. La difficulté qu’ont nos entraîneurs de réussir un « double affutage » à quelques semaines de distance mérite d’être questionnée. On a vu les saisons passées comment les Américains en général, Katie LEDECKY en particulier, et Katinka HOSSZU ou Chad LE CLOS, pour ne citer qu’eux, ont multiplié avec brio les exploits dans ce domaine…

Mais l’affutage est une science individuelle, et on a entendu dire, par exemple, que Ryan LOCHTE n’était pas à l’aise dans l’exercice, et que cela expliquait ses derniers Jeux olympiques, plutôt ratés…  Je n’en dirais pas autant de Michael PHELPS, ou, dans le passé, de Mark SPITZ, lequel, en 1972, battit les records du monde des épreuves qu’il nagea (sauf sur 200 libre), puis les rebattit quatre semaines plus tard aux Jeux de Munich, soit neuf records mondiaux dans ce laps de temps !